Voilà, cette Coupe du Monde 2010 est maintenant terminée, avec un vainqueur légitime, un arbitrage désastreux, une équipe de France pitoyable, des vuvuzelas et la star de la compétition qui n’est pas un joueur mais un poulpe, sans oublier l’omniprésence des sponsors et de la marchandisation de l’événement. Ainsi, je vais faire un petit bilan de cette Coupe du Monde non pas sur l’aspect sportif, mais marketing.
- La France lâchée par ses sponsors
Evidemment, comme je l’ai déjà évoqué dans mon précédent post, le fiasco de notre équipe nationale et l’affaire Anelka ont été préjudiciables à leurs sponsors. Ils ont même décidé de s’y désassocier après notre élimination. Quand l’équipe gagne, ils sont les premiers à récupérer le succès pour leur image mais aujourd’hui tout le monde quitte le navire.
- L'Afrique du Sud mise de côté
Cette coupe du monde s’est déroulée en Afrique du Sud, mais j’ai l’impression que le pays a été un peu délaissé pour 2 raisons. Tout d’abord, les mascottes de la compétition ont été fabriquées en Chine. Cela avait fait scandale puisque l’Afrique du Sud est un pays qui souffre du chômage et où le prix de la main d’œuvre n’est pas vraiment un frein à une production locale.
Autre mise à l’écart, elle concerne l’hymne officiel de la compétition. En effet, l’interprète de la chanson n’est pas sud-africaine mais colombienne en la personne de Shakira. L’Afrique du Sud est un grand pays, il doit bien y avoir des interprètes dignes de ce nom, mais malheureusement moins « bankable » qu’une Shakira. Par contre, la chanson, elle, est africaine puisqu’il s’agit d’un plagiat (partiel) d’une chanson camerounaise datant de 1986 (voir clip ci-dessous), sans autorisation évidemment même si un accord à l’amiable a été trouvé (on ne sait jamais avec un peu de chance personne ne s’en serait rendu compte).
- Un ballon énervant
Le ballon a été très présent tout au long de la compétition. Tout d’abord, il n’y a pas 1 mais 2 ballons, le Jabulani et le Jo’bulani pour la finale. L’objectif doit être pour Adidas d’en vendre davantage sinon je ne vois pas l’intérêt de la démarche.
Ensuite, ce ballon a fait beaucoup parlé du côté des joueurs et surtout des gardiens de but qui l’ont beaucoup critiqué à cause de ses trajectoires approximatives.
Puis, ce qui m’a surpris et déçu, c’est la présence de ce ballon lors des conférences de presse au milieu des micros et de ses confrères supports publicitaires. Je ne comprends pas pourquoi aucun des joueurs ou entraineurs défaits ne l’a jamais envoyé valser, notamment en direction des journalistes.
- Coca-Cola qui sait s'adapter à l'événement et au public
Coca-Cola a l’habitude de sponsoriser les grands événements sportifs comme bien évidemment la Coupe du Monde de football. Ainsi, pour cette édition, la marque a voulu associer son positionnement festif (« ouvre un Coca-Cola ouvre du bonheur etc… ») aux célébrations des buts. Un concours a donc été lancé sur leur chaîne YouTube où les participants ont pu poster leur célébration pour réaliser une célébration continue avec toutes ces vidéos.
Ce qui me dérange, c’est que Coca-Cola en s’associant aux célébrations de buts, s’associe par conséquent à la joie, la performance mais aussi à l’individualisme et l’ingratitude envers les coéquipiers autant voire plus méritant. Et lorsque la marque est partenaire de la Coupe du Monde de rugby, le discours évolue radicalement car Coca-Cola préfère évoquer les valeurs de solidarité, d’équipe, qui sont relatives au rugby et totalement inverses aux célébrations footballistiques des buteurs.
Concernant la promotion de l’opération, Coca-Cola a réalisé un spot TV avec la participation du camerounais Roger Milla qui aurait été le 1er joueur a célébré un but en dansant et qui a occupé le terrain médiatique en critiquant ouvertement Paul le Guen, sélectionneur du Cameroun avant le début de la compétition. Un moyen de faire parler de lui et donc indirectement de la campagne de Coca-Cola ? J’ai vraiment l’esprit mal tourné.
De même, Coca-Cola a choisit une chanson qui sent bon l’Afrique pour accompagner sa campagne. Il s’agit du morceau « Wavin’ Flag » interprété par K’nann, un chanteur canado-somalien. La particularité de cette chanson est qu’elle a été pour l’occasion adaptée pour le marché mondial avec une multitude de versions interprétées par K’naan accompagné de chanteurs locaux. Wikipedia en a recensé 17 avec donc une version arabe, brésilienne, chinoise, grecque, haïtienne, hongroise, indienne, indonésienne, japonaise, mongole, nigériane, russe, espagnole, sri lankaise, thaïlandaise, vietnamienne et bien sûr française avec le chanteur Féfé. A noter que beaucoup de pays concernés ne sont même pas qualifiés pour la compétition.
Avec cette démarche, l’aspect commercial de la musique atteint son paroxysme. Je suis même déçu que Coca-Cola n’ait pas poussé le concept encore plus loin en proposant aux internautes de réaliser eux-mêmes leur version de la chanson en y intégrant leur photo et leur voix.
Voici quelques exemples de versions de la chanson (je n’ai pas eu le courage de toutes les écouter):
Pour revenir sur les célébrations de buts, il semblerait qu’une d’entre elles eut été sponsorisée… par McDonald’s. Le joueur portugais Simao a marqué un but lors du match contre la Corée du Nord dont la célébration ressemble étrangement à celle qu’il effectue dans un spot TV pour McDonald’s. Vera-t-on bientôt les joueurs arborer fièrement un sponsor sur leur t-shirt (où habituellement ils font passer un message, de soutien notamment) après avoir marqué à l’instar des skieurs qui montrent leurs skis et leur marque après chaque course ?
- Les concurrents des sponsors officiels qui veulent leur part du gâteau
Les sponsors officiels de cette Coupe du Monde ont donc été très présents mais certains concurrents ont tout de même pu en profiter pour faire parler d’eux.
Pepsi et Nike, les concurrents historiques de Coca-Cola et Adidas ont communiqué autour de l’événement en s’appuyant sur les joueurs que ces 2 marques sponsorisent avec des campagnes plutôt réussies voire davantage que celles des sponsors de la compétition, surtout concernant la campagne de Nike. Concernant Pepsi, la marque avait comme son concurrent sa chanson africaine interprétée par le sénégalais Akon pour accompagner sa campagne.
Mais la marque qui a peut-être le plus fait parler d’elle, est la marque de bière hollandaise Bavaria. En effet, la marque a habillé des supportrices hollandaises de robes publicitaires (un peu à l’instar de la marque Dim lors de la dernière coupe du monde de rugby). Or, certaines de ces supportrices ont été mises en garde en vue et poursuivies par la FIFA car la fédération organisatrice de la Coupe du Monde a signé un contrat d’exclusivité avec le concurrent Bud. Mais la marque hollandaise est une récidiviste car elle avait habillé des supporters d’une étrange salopette publicitaire lors de la coupe du monde 2006 en Allemagne.
Autre marque de bière hollandaise, Amsterdam, a quant à elle profité de la présence des Pays-Bas en finale pour communiquer sur le journal L’Equipe en faisant référence à leur défaite tandis que la marque de jus de fruits Sunny Delight (sponsor de l’équipe d’Espagne) a elle, félicité bien évidemment la victoire de son équipe.
- Des stars inattendues
En effet, les stars de cette Coupe du Monde n’ont pas été des joueurs mais un poulpe et les fameuses vuvuzelas. Les publicitaires ont donc profité de cet engouement pour ces nouvelles stars en les utilisant dans leurs campagnes avec l’avantage d’être moins chères que les joueurs.
- Paris sportifs en ligne
Enfin, cette coupe du monde de football fut l’occasion pour les sites de paris en ligne français d’ouvrir en grande pompe. A coups de publicité massive (spots TV, bannières web voire même habillages de home page) et également d’offres promotionnelles très douteuses, ces sites Internet ont parfaitement profité de la compétition pour réussir à réaliser en un mois 80 millions d’€ de chiffre d’affaires.
Voilà donc pour mon bilan marketing de cette Coupe du Monde de football 2010, certes incomplet mais suffisant pour se rendre compte que les marques, qu’elles soient sponsors de la compétition ou non prennent de plus en plus de place dans un événement qui à l’origine était une compétition purement sportive.