Je suis resté, depuis 1996, sur le choc que m'avait procuré l'intégrale des Nocturnes de Chopin par Maria-João Pires, parue la même année chez Deutsche Grammophon. Cette version devait son élégance rare au toucher unique de la pianiste, avec des sonorités chatoyantes et de remarquables couleurs. Il y a également un sens du cantabile chez Maria-João Pires, assez rare pour être souligné, notamment en ce qui concerne les enregistrements des Nocturnes de Chopin. Ce mélange d'insouciance et de fraîcheur m'avait définitivement conquis, avec tout de même une nécessaire tension de la ligne.
Version du Nocturne en ut dièse mineur opus 27 N°1 par Maria-João Pires :
A l'écoute du premier volet de ces mêmes Nocturnes par le pianiste espagnol Luis Fernando Pérez, enregistrés chez Mirare, un second choc m'a littéralement rattrapé. Cette fois, on peut découvrir une version qui revient à une certaine simplicité, à une forme de dépouillement mais qui s'avère d'une incroyable densité. L'interprétation de Luis Fernando Pérez révèle un sens du déroulement narratif extraordinaire, ne cédant jamais à la tentation d'un certaine séduction, caractéristique finalement du
jeu de Maria-João Pires. Le style est plus introspectif mais révèle d'innombrables nuances. La main droite déploie un jeu très articulé, bien timbré. Luis Fernando Pérez parvient à mettre particulièrement en évidence cette faculté que peuvent avoir ces pièces de Chopin à suspendre le temps. Il s'agit d'une version finalement assez sombre, sans concessions, et qui risque de ne pas conquérir les adeptes du "beau son". En revanche, c'est la seule version "moderne" qui permet d'entrer de façon aussi intime dans l'univers poétique que traduisent ces Nocturnes. Il est seulement à regretter une qualité d'enregistrement de Mirare étonnamment moyenne (avec notamment un déséquilibre dans la balance droite / gauche), un son un peu confiné, ce qui est vraiment regrettable.Version du Nocturne en ut dièse mineur opus 27 N°1 par Luis Fernando Pérez :
Je profite de cette note pour également évoquer l'intégrale que vient d'enregistrer François Chaplin, pianiste attachant, qui avait été particulièrement remarqué par la critique pour sa superbe intégrale des pièces de Claude Debussy et qui avait su conquérir le public à un très beau concert du TCE que j'avais chroniqué (cf. note du 26 septembre 2007). Hélas, cette version des Nocturnes de Chopin s'avère trop apprêtée, presque solennelle, avec un excès de pédale restituant une sonorité un peu pâteuse. Elle perd ainsi rapidement en densité et manque indéniablement de nervosité, se perdant un peu dans les méandres des différents Nocturnes, au détriment d'une nécessaire clarté.
On ne peut donc qu'attendre avec impatience le deuxième disque de Luis Fernando Pérez achevant ainsi une intégrale qui s'annonce remarquable.