As et décès.

Publié le 15 juillet 2010 par Pagman

Les cloches de l'enfer ont du sonner en ce 21 avril de 1918 car c'était assurément un jour à prendre la route qui y conduit. Manfred Albrech, Baron de Richthofen, l'apprît à ses dépens. Le Baron Rouge, car tel était son surnom, fut la première star de la Première Guerre mondiale. L'As des As, c'est lui. Pas Bébel. À l'époque, il fallait compter cinq victoires homologuées pour mériter ce statut. En ce jour funeste, surtout pour lui, Manfred von Richthofen clôt son compte à 80 tout rond.

Quand Manfred von Richthofen rencontre Oswald Boelcke le 1er octobre 1915, il n'est qu'un officier de cavalerie qui s'emmerde à faire des missions de reconnaissance et à ravitailler les troupes. Aîné de trois garçons d'une famille qui tient son Baronnage de Frédéric le Grand, Manfred passa son enfance à s'adonner aux plaisirs simple et ô combien vivifiants de l'équitation, de la chasse et de la natation. Puis le parcours classique, école d'officiers, Lieutenant des Uhlans, Infanterie où il végète loin des combats. Pour son 8eme avion abattu, Boelke vient d'obtenir la plus haute distinction militaire Prussienne pour courage face à l'ennemi, la Médaille du Mérite des mains de l'Empereur Guillaume II. Après les récits des combats aériens que lui fait Boelcke, Richthofen décide de demander son transfert dans l'aviation de chasse. Il apprend à voler en quelques mois, excelle vite dans le combat aérien et la tactique d'attaque. Richthofen est un surdoué. Il se fait vite un nom dans les airs, sous l'aile de Boelcke. Le Diable Rouge, chez les Alliés. Puis le Baron Rouge, pour tout le monde.

Oswald Boelcke à 24 ans, en 1915. Jeune, beau, insouciant.

Le 28 octobre 1916, Boelcke, Richthofen et leur escadrille, la Jasta 2 sont déjà sortis cinq fois dans la journée pour des combats épuisants. À 16h30, ils sont appelés au front pour combattre deux avions Alliés. Pendant le combat, Boelcke et son ami Böhme volent aile dans aile, couverts au dessus par Richthofen. Mais pris dans le combat, les deux avions se touchent, l'Albatros de Boelcke part en vrille et s'écrase. Böhme s'en sort. Boelcke meurt sur le coup et un peu comme un con.

Oswald Boelcke à 25 ans en 1916. Plus tout à fait le même homme après un an de guerre.

De décembre 1915 à janvier 1917, super vénère par la mort de son idole, von Richthofen abat 16 avions alliés. Le Kaizer lui confie le commandement du Jasta 11. Il décide de faire repeindre son avion en rouge, un rouge écarlate qui, associé à ses exploits, termine de créer sa légende. Pour le seul mois d'avril 1917, il rajoute 20 avions de plus à son tableau de chasse. Il est tellement populaire à l'époque que l'armée allemande fait distribuer des milliers d'exemplaires de son portrait pour galvaniser les troupes. Une vraie rockstar.

 

Aisément reconnaissable à sa triple voilure rouge, son Fokker DR1 sème la terreur des Dardanelles au ciel de la Manche. Quelques jours plus tôt, Manfred vient d'abattre son 80e avion allié, loin devant ses confrères Ernst Udet (62 avions abattus), Eric Löwenhardt (53), Joseph Jacobs (48), Werner Voss (48), son frère Lothar von Richthofen (40) et son mentor et idole Oswald Boëcke (40) mais on vous dit qu'il est mort alors il ne fera pas mieux.

Face à lui, les aviateurs alliés ne s'en laissent pas compter. René Fonck (75 victoires et 52 de plus non homologuées, soit non validées par d'autres observateurs), Georges Guynemer (54 + 35 nh), Charles Nungesser (43 + 11 nh) et William Bishop le Canadien (75 victoires) lui mènent la vie dure. Pour eux aussi, le Baron Rouge était une légende et si les combats étaient souvent meurtriers, les aviateurs de l'époque avaient encore un esprit chevaleresque qui leur interdisait de tirer sur un adversaire blessé. Par contre, un adversaire dont la mitrailleuse s'était enrayée, on pouvait y aller. Quand même, c'est la guerre, on va pas faire des ronds de jambe 107 ans.

En ce 21 avril, Manfred part faire une ballade avec neuf autres pilotes dont son cousin Wolfram von Richthofen dont c'est une des premières missions. Ca nique pas mal chez les Richthofen, y'en a de partout. Rapidement, son escadrille est prise en chasse par une troupe de Sopwith Camel de la Royal Air Force.

Ci-dessus, la Jasta 11, troupe d'escadrille de chasse de Manfred Von Richthofen (dans le cockpit).

Alors que Manfred von Richthofen prend soin de ne jamais s'aventurer au dessus des lignes ennemies, le combat contre May et Brown le déporte vers l'ouest. Il est probablement harassé par trois années de combats acharnés où il a perdu nombre de camarades, d'amis et un peu de sa lucidité. Quelques mois plus tôt, en juillet 1917, il avait été sévèrement touché à la tête, la balle creusant un sillon de 7 centimètres dans le cuir chevelu et arrachant quelques fragment d'os. 20 jours plus tard, il est de retour au front, à fond. Mais son comportement change radicalement. Il devient froid, solitaire et se plaint régulièrement de maux de tête et de nausées. Manfred est usé physiquement, moralement.

Restant à l'écart du combat car il a les pétoches vu que ça défouraille sévère, le cousin Wolfram est vite pris en chasse par Wilfrid May, jeune lieutenant Canadien de 22 ans qui ne le lâche pas d'une semelle.Prenant son courage à deux mains et forcément, son manche à balai entre les dents, Manfred fonce sur l'importun qui, comble de malchance venait d'enrayer sa mitraillette. Von Richthofen est à son tour pris en chasse par Arthur Roy Brown qui ne veut pas laisser son pote Wilfrid face à deux fritz, ça se fait pas. Brown vire à son tour et balaie le triplan écarlate d'une rafale de ses deux mitraillettes jumelées Vickers (Calibre 7,70 ou 11 mm, pour les plus curieux). Brown raconte : "Une volée de balles l'a atteint sur le côté. Le pilote se retourna et regarda en arrière. J'ai vu briller ses yeux derrière ses lunettes, puis il s'est effondré sur son siège". Pourtant, le Fokker continue sa route sur 1500 mètres avant de se poser brutalement devant des tranchées occupées par des troupes australiennes.

De cet instant, von Richthofen entre dans la légende et les versions diffèrent. Certains témoins disent qu'il était encore vivant et qu'il eût le temps de dire "Kaput" et peut-être même "Gottferdom, dis is eine grosse scheize" mais c'est pas sûr, en montrant son avion avant de succomber en faisant "argh" comme tout le monde. D'autres affirmèrent qu'il était mort aux commandes. De part et d'autre, Arthur Roy Brown et les tirailleurs Australiens s'attribuèrent le mérite d'avoir enfin réussi à descendre le Baron Rouge. Un documentaire en 2002 "La Mort du Baron Rouge" tenta de résoudre l'énigme, concluant que ce n'était ni Brown, ni les tireurs au sol qui avaient touché le Baron Rouge. À la lueur de son autopsie, une seule balle dans la poitrine tirée de la droite et ressortie à gauche, et à grands renforts d'images de synthèse et de lasers pour reproduire la scène, le mérite en reviendrait à un autre soldat australien nommé Snowy Evans, le seul à droite du Baron lorsqu'il passa en rase-motte pour la dernière fois.

Avec l'accord du Haut Commandement, les Alliés organisèrent des funérailles complètes par respect pour cet adversaire si particulier et je ne sais pas vous mais moi, je n'arrive jamais à écrire particlier, particulier sans oublier le u en tapant. Le Baron Rouge fut enterré au cimetière du village de Bertangles, près d'Amiens, avec les mêmes honneurs militaires que pour les pilotes alliés, soit des couronnes, des fleurs, des mots doux et quinze gars qui tirent dans le ciel pour vous en même temps ce qui fait une belle jambe vu que vous êtes décédé et tout sec dans une boite.

Ci-dessous, la bande-annonce du film allemand de 2008 dont c'est marqué le nom en dessous.

Et ci-dessous, encore mieux, le film de 1971 de Roger Corman, oui himself, sur le Baron Rouge.

... Attention, je ne fais absolument pas de prosélytisme pour la guerre, c'est mal. Mais les As de l'Aviation me passionnaient quand j'avais 11 ans et j'avais un super livre qui s'appelait "Les As de l'Aviation", d'où la passion. Et c'est ensuite que j'ai découvert les filles et plus jamais je n'ai pensé à Manfred von Richthofen jusqu'à aujourd'hui.