Ça se passe dans le Gard en 2010. Le 23 juin dernier, la commune hautement criminogène d’Aujargues, 835 habitants, organise une version étatique de dénonciation volontaire et organisée sous couvert de la signature d’une convention entre la Mairie, le préfet et le procureur de la république. En effet depuis, depuis le 18 février dernier et le premier exemple de la ville de Traïnel, la commune sera une commune test de la nouvelle idée sécuritaire étatique, l’opération « voisins vigilants » à laquelle la commune d’Aujargues vient de se rallier.
Cette magnifique idée d’Estrosi, ou volontariat et dénonciation se conjuguent, consiste à alerter la gendarmerie de tout événement suspect ou de tout fait de nature à troubler la sécurité des personnes et des biens dont ils seraient les témoins.
Bien entendu, pour la bonne conscience du petit peuple qu’il s’agit de déculpabiliser, on vous assure qu’il s’agit surtout de ne pas porter atteinte aux droits fondamentaux individuels, ni revêtir un caractère politique, racial, syndical ou religieux ?
Ces faits étant jugés par les représentants de chaque gendarmerie, c’est vous dire si l’on peut être tranquille quand à la qualité des dénonciations et poursuites menées…
En plus sérieux, ce dispositif directement inspiré des conservateurs anglais, fait l’objet de craintes justifiée d’Alain Bocquet, député communiste, qui a déposé une proposition de résolution à l’assemblée sur les conditions dans lesquelles cette opération est lancée, la responsabilité et la maîtrise de l’État dans sa mise en œuvre, les phases d’étude et de concertation auxquelles elle a ou non donné lieu, la connaissance que l’on a du dispositif britannique « neighborhood watch » qui l’inspire, de ses résultats et des garanties qu’il offre. Cette enquête portera également sur la conformité de l’opération « Voisins vigilants » avec la loi française et avec nos valeurs et principes républicains. Sera-ce suffisant ? J’en doute.
Faut-il avoir confiance en sa police pour espérer ainsi, à coup de dénonciations, la résolution des crimes et délits !
Il faut dire que la politique du chiffre à moindre coût sévit fort dans la police. Lorsque vous la dépouillez de ses moyens comme toute bonne fonction publique qui se respecte à l’heure actuelle, tout en accroissant les objectifs d’élucidation des crimes et délits, les fonctionnaires de police n’étant pas des surhommes, il faut bien trouver des parades (*) pour donner l’impression que l’on s’occupe de la sécurité des honnêtes gens.
Pour cela, on leur propose de s’épier entre eux, certainement encore une forme libérale pour rapprocher les citoyens ou une manière moderne de réformer pour retendre le lien social jusqu’à ce qu’il se casse par la faute d’une vulgaire dénonciation de routine d'un voisin trop regardant à la gâchette téléphonique facile. C’est beau ce nouveau volontariat pour protéger son prochain…
Triste société où l’on recrée des pseudo milices, où les participants ont l’impression d’être utiles alors qu’ils tirent une balle sur leur propre liberté individuelle.
On le sait bien, les plus interventionnistes en matière sécuritaire sont les libéraux, ils nous le prouvent une fois de plus avec cette nouvelle forme de sécurité participative. Ceux là même qui pourfendent les abus d’interventionnisme et les privations de liberté, surtout lorsque cette liberté consiste à s’enrichir librement sans foi ni loi, sont ceux qui rêvent d’une société de la surveillance, du contrôle, celle où vous faites là où l’on vous dit de faire…
Police Milice Organisées
Police Milice Prêtes à tirer
Police Milice Tout est factice
(*) l’une des parades actuelles des fonctionnaires de police est de fausser les chiffres « légalement ». En effet, il vaut mieux faire la course aux chéquiers volés qui se volent rarement à l’unité (il y a des spécialistes de ce genre de délit) et lèsent plusieurs personnes, et qui donc permettent l'élucidation de plusieurs affaires, plutôt que d’enquêter sur les agressions aux personnes à élucidation unique, moins « rentables » pour tenir les objectifs performantiels que l’on vous assigne en sous-effectif. C’est aussi cela la police d'aujourd’hui.