Au galop

Une revue satirique comme Le Canard enchaîné révèle assez régulièrement des écarts d’hommes politiques, de la justice ou de l’administration. Mais, le plus souvent, les articles correspondants ne sont pas relayés par la presse traditionnelle ou par d’autres médias. La situation est en train de changer et l’on peut entendre des chaînes de radio nous donner la primeur de certains titres la veille de la parution de l’hebdomadaire. Si d’aucuns, et non les moindres, ont pu échapper à cette publicité, MM. Blanc et Joyandet en ont fait les frais. J’attribue l’origine de ce changement au fait que la dérive autoritaire et amorale de ce pouvoir conduit de plus en plus de ses agents désolés mais impuissants à laisser fuir des documents compromettants.

Le dernier épisode en date, la vente d’une parcelle de la forêt de Compiègne, avec un golf et son hippodrome, racontée par Le Canard enchaîné et Marianne, a montré les limites de la publicité qui lui est donnée. On a ainsi pu entendre le maire de Compiègne, M. Marini, nous expliquer que c’est un hasard si cette vente n’a précédé que de peu le départ de M. Woerth de son poste de Ministre du budget, habilité à traiter du domaine forestier de l’ONF. Attendrissant vraiment d’entendre cet élu se féliciter de la vente de ce terrain inconstructible, qui depuis 120 ans apportait un loyer aux finances de sa ville. Cette opération est peut-être aussi avisée que celle qui a vu un Etat impécunieux vendre au privé, une fois les emprunts remboursés, certaines autoroutes, abandonnant ainsi à jamais les confortables revenus de leurs péages.

Mais ce que je n’ai entendu ni vu nulle part ailleurs, c’est la phrase suivante : « Antoine Gilibert, le président de la Société des courses de Compiègne et grand ami de Marini [maire de Compiègne] est un familier de Chantilly, de son hippodrome et de son maire, Eric Woerth ». C’est  que des médias craignent d’être trainés dans la boue par les aboyeurs patentés de l’UMP qui auraient tôt fait de dénoncer des ragots et de l’amalgame. Tous ces tristes calomniateurs, si prompts à dénoncer trotskistes, fascistes et autres, connaissent-ils le sens du mot amalgame ? C’est le résultat de la fusion de métaux, d’ingrédients ou d’éléments différents. Avec quoi mélange-t-on donc le fait rapporté et, si l’apport étranger était délictueux, où y aurait-il mal puisque, par définition, il serait différent de celui examiné ? Quoi qu’il en soit, une amitié ne saurait être condamnée, sauf à se transformer en complicité.

Mais avez-vous aperçu, en dehors du Canard enchaîné, la phrase suivante : « Il [Antoine Gilibert] est de toutes les réunions hippiques, notamment comme dirigeant de France Galop, l’association où Florence Woerth a été cooptée en 2003 ». Bien sûr, je ne puis personnellement vérifier l’exactitude de cette affirmation mais je ne pense pas qu’il s’agisse d’un ragot. Il doit être possible de s’assurer de sa véracité dans les comptes-rendus de réunions d’une association aussi efficace dans l’amélioration de la race chevaline.

Alors, où est le mal ? Mais, nulle part. Simplement je trouve ce détail gênant pour l’épouse d’un homme dans lequel se conjuguent intégrité et vertu, qualités décernées par un orfèvre en la matière.