Le clan Boboto

Par Joss Doszen

Une famille en quête de bonheur et de rédemption. Entre immigration de première et de seconde génération, chacun cherche à contourner le système dans lequel les a plongé cette nouvelle ère mondialisée. Une plongée dans les eaux profondes et tumultueuses des drames et des amours qui construiront ou détruiront les liens familiaux ; destins croisés d’un clan pas tout à fait comme les autres.Une famille en quête de bonheur et de rédemption. Entre immigration de première et de seconde génération, chacun cherche à contourner le système dans lequel les a plongé cette nouvelle ère mondialisée. Une plongée dans les eaux profondes et tumultueuses des drames et des amours qui construiront ou détruiront les liens familiaux ; destins croisés d’un clan pas tout à fait comme les autres.

Autoédition - 210 pages - 13 euros

Disponible à la FNAC


Extraits :

Scotie

[...] C’était le gardien du bâtiment B, que tout le monde connaissait et prenait pour un Portugais alors qu’il n’en baragouinait que quelques mots appris lors d’un séjour au Brésil quinze ans auparavant. En fait très peu de gens savaient que c’était un cousin direct au vieux Nico Rajafs, le « patriarche ». Une sorte de cousin Caliméro qui restait à l’écart des affaires de la famille et vivait sa petite vie, pénard dans son coin. Il y avait encore moins de gens pour savoir que dans la vie pénarde de Da Costa, non seulement il était adepte de putes en tout genre -il consommait régulièrement les produits issus du business des Rajafs, une sorte de droit filial - mais en plus je savais qu’il se faisait la petite Djamila Basalta depuis presque trois ans. Elle venait de fêter ses dix-sept ans quelque temps auparavant et le vieux Tara Basalta avait donné une grosse fiesta en l’honneur de sa nièce pour l’occasion.
Da Costa avait pris le soin de ne jamais mettre son nez dans le business du coin, mais il était venu s’asseoir sur un nid d’abeilles sous dopamine en se tapant la nièce mineure du chef d’un gang. C’était pire que de marcher sur de la lave du Manitoba avec des sandales en beurre de cacahouète. À quarante-trois ans il aurait dû savoir que la cacahouète ça donnait de la très bonne huile mais que ce n’était pas ignifugé et que surtout ça n’empêchait pas les balles de traverser votre pancréas.
Tara Basalta avait eu vent de l’histoire, une brise que nous avions commandée bien opportunément, et il était évident qu’une histoire d’honneur ne se règle pas par du blabla mais plutôt par du pang-pang. Les Rajafs ne pouvaient évidemment pas laisser passer l’affront d’une attaque directe sur un membre de la famille, la vie d’un des leurs ne pouvait pas simplement passer par perte et profit, même s’ils avaient toujours considéré cette vie comme une insignifiance. [...]

Andriy

[...] Je crois que j’avais une tête de con quand elle est entrée dans la chambre et que j’avais ma langue sur le bouton-d’or de l’autre. Quand je me suis retourné pour lui faire face, je me suis dit que jamais personne n’aurait été capable d’infliger plus de souffrance à quelqu’un d’autre qu’à cet instant-là. Elle nous a regardés en silence, mon cerveau était comme figé. Inès avait remonté les draps sur sa poitrine, instinctivement ; elle n’avait rien dit non plus. Arléna n’avait rien fait pour cacher les larmes qui coulaient sur ses joues, elle s’était lentement retournée et s’était éclipsée en fermant doucement la porte derrière elle.
Inès m’a dit « cours après elle, il ne faut pas lui laisser le temps de prendre des décisions irrévocables ». Il était évidemment trop tard. Je l’avais blessée au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. Pendant des jours j’ai essayé de lui parler, de m’expliquer, de supplier. Pendant des jours je suis passé par tous les états ; le « après tout ce n’est pas entièrement de ma faute si j’ai dû aller voir ailleurs ! » ; a succédé le déni, « mais ce n’est pas si grave que ça ».
Ensuite il y a eu l’autoflagellation, « je ne suis qu’une merde » ; puis l’état de bouillie repentant d’un « si tu me reprends je donnerai tout ce que j’ai au monde pour me faire pardonner ». Rien n’y a fait. Je la connaissais douce, je la connaissais amoureuse de moi mais je ne la savais pas si inflexible, le mal que je lui avais infligé l’avait transformée en glaçon, et je ne pouvais même pas lui en vouloir. [...]

Bany

[...] Les flics grouillaient. Il devait bien y avoir une dizaine de véhicules de police. Ils étaient en nombre pour le ratissage ; je ne pensais pas que la gare d’une banlieue aussi tranquille puisse être la cible d’une opération de contrôle d’identité géant. On n’était plus en sécurité nulle part !
Mon cœur battait si fort que j’avais l’impression qu’il voulait prendre la poudre d’escampette sans attendre ma poitrine. Heureusement que la vie de traqué que je menais depuis un an m’avait fourni de bons réflexes de survie. De très loin j’avais perçu l’effervescence autour de la gare. « Le coup d’œil du fantassin » dirait Andriy. Machinalement j’avais détourné mes pas et je m’étais engouffré dans un bar-tabac. Pour une fois ça avait du bon d’être devenu un esclave du cartel des cigarettiers, on pouvait ainsi passer pour un simple client qui avait brusquement changé son itinéraire pour s’acheter sa dose de Marlboro light. Non, cette fois-là je voulais des fortes, j’avais besoin de me donner du courage pour sortir de mon abri provisoire.

Il fallait que j’y aille, et tant pis pour mon rendez-vous avec Mina pour les papiers, ça attendrait la prochaine fois. Je suis sorti du bar tabac et mon cœur a recommencé son tintamarre. Ma poitrine s’est serrée. Dans ma tête j’ai prié très fort pour qu’aucun flic n’ait remarqué que je rebroussais chemin. C’était dans des moments comme ceux-là que je me demandais ce que je foutais dans ce pays. Prisonnier de ma peur, peur permanente. Personne ne m’aurait cru au pays si je leur avais dit combien la crainte habite mon cœur en continu depuis un an. Un an de vie d’un sans-papiers à essayer de me fondre dans la foule, à tenter de me rendre invisible. L’Europe des musées n’était désormais plus la mienne ; trop de blancs, impossible de passer inaperçu avec tous ces regards qui semblaient percer votre secret ; un noir en situation irrégulière. [...]

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