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Mérodack Jeaneau quelques pièces de plus au dossier

Par Bruno Leclercq

Alexis Mérodack Jeaneau

La lecture des "petites revues" est toujours bénéfique au fouineurs, c'est dans leurs colonnes que s'écrie l'histoire de la littérature et de l'art. En parcourant La Revue Contemporaine, publiée à Lille entre 1900 et 1902, on trouve un article d'Hector Fleischmann sur Merodack Jeaneau, déjà dans le Beffroi, Fleischmann avait présenté son ami et dit son admiration pour son œuvre. L'article de la Revue contemporaine, offre pourtant un complément d'information sur le curieux Alexis Mérodack et son "synthétisme", école dont on dit parfois qu'il fut le chef de file. On y apprend que Jean de la Hire, fonda une revue intitulée L'Idée synthétique (1), où Fleischmann donna un article sur Merodack Jeaneau. Fleischmann qui écrivit aussi une plaquette sur la Peinture synthétique. Enfin grâce à cette "petite revue", le portrait de Mérodack Jeaneau et deux de ses oeuvres, viennent apporter quelques pièces de plus au puzzle de la vie et l'œuvre de Mérodack Jeaneau commencé ici, à partir de la découverte de la revue Tendances Nouvelles. D'autres pièces viendront sans doute, avec le temps.


Mérodack Jeaneau quelques pièces de plus au dossier
Mérodack Jeaneau quelques pièces de plus au dossier

La Peinture synthétique

Un Crucifié.

On ne jette des pierres qu'aux arbres qui portent des fruits.

A. M. J.

Avant que ne fussent formulées les théories qui nous ont amené à fonder l'Idée Synthétique, avant que Jean de la Hire eut publié la belle et hautaine page qui restera comme l'expression la plus complète de notre tentative, Alexis Mérodack travaillait âprement à une œuvre pure et claire, une des plus précieuses en l'art pictural contemporain.

J'ai déjà dit (1) toute ma sincère admiration pour ce grand et honnête artiste qui sous les railleries des bourgeois, de ceux que Léon Bloy nomme si magnifiquement les cochons a dressé pour notre joie l'œuvre la plus prestigieuse et intense, d'une sensation crispante et angoissée. Je ne veux aujourd'hui qu'insister sur les deux toiles ici reproduites.

Fond flou et vague, symphonie mystérieuse et sourde d'une atmosphère de silence : Maladie. C'est la face désolée et résignée de Celle marquée par la Destinée pour les éternelles souffrances et les infinies désolations des agonies. Comme ce front étrangement calme et pur

... ton front où rêve, ô calme soeur,

Un automne jonché de taches de rousseurs...

est empreint de cette irrémissible désespérance qui crispe aussi les lèvres en un amertume poignante !

Tout ceci respire une atmosphère lourde et pénible et ne devine-t-on pas cette chambre solitaire, un crépuscule mauve derrière les vitres et l'unique et lente lueur des veilleuses ! C'est bien dans ce décor qu'il nous faut évoquer cette face blêmie et douloureuse, pâle profil triste et mélancolique dans un de nos soirs d'autrefois. Mais voici une page encore plus invocatoire vers un Art synthétique qui résume admirablement les tendances d'Alexis Mérodack : Caresse.

Déjà prometeuse de prochaines luxures, voici les lèvres qui seront magnifiées de terribles morsures. Ce n'est déjà plus de la douceur, c'est une flamme de désir qui flambe dans ces prunelles noyées d'une ombre sourde et pâle. Et celle-ci ne faut-il pas la dresser dans un prestigieux décor de décadence, dans des tentures fleuries de sanglantes orchidées, les fleurs des meurtres et des voluptés, dans l'échevélement barbare et obscène de ces fleurs de névroses et de folie ?

Mais partout, même dans cette prodigieuse Cour des Folles nous retrouvons l'âme de Mérodack, éparse au grand vent de ses peines, cette âme maladive et désolée, pleine d'amertume et de tristesse, mais aussi quelquefois cette grande flambée de Vie et de Clarté qui synthétise en lui toute l'Harmonie.

Et si les cochons l'ont excommunié, raillé, crucifié nous l'aurons dressé dans la gloire des vrais artistes. Cela seul suffit.

Hector Fleischmann.

(1) Voir l'Idée Synthétique, N° 2, août 1901 et la Peinture Synthétique, 1 plaquette.

Dans La Revue Contemporaine illustrée, Lille. N° 13, 25 octobre 1901
Mérodack Jeaneau quelques pièces de plus au dossier

(1) L'Idée synthétique : renseigne sur tout le mouvement jeune, sur les tendances nouvelles, sans distinction d'écoles. Directeur Jean de la Hire. juil. 1901-mai 1902 [I-II, n° 2] [?]. Paris : [s.n.], 1901-1902. In-8.

Merodack Jeaneau sur Livrenblog : Tendances Nouvelles : Frédéric Fiebig, Vassily Kandinsky . Valentine de Saint Point. Tendances Nouvelles. Merodack Jeaneau par Hector Fleischmann dans le Beffroi. Les Sciences Maudites, 1900.

Mérodack-Jeaneau illustrateur de "L'Homme-fourmi" et la bibliographie de la revue Les Partisans sur le blog de C. Arnoult consacré à Han Ryner

Hector Fleischmann poète.



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