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L’art peut changer le monde? L'exemple de Cittadellarte
Publié le 15 juillet 2010 par Lifeproof @CcilLifeproof
Cittadellarte (Biella), vue du haut (photo: site Cittadellarte)
Au nord de l’Italie, entre Turin et Milan, aux pieds des premiers reliefs alpins, se trouve une petite ville peu connue : Biella. En bonne milanaise (les milanais sont un peu les parisiens à la sauce italienne, ils pensent que toutes les autres villes en dehors de Milan n’ont aucune signification sauf le lac de Côme où ils passent leur weekend) je ne connaissais vraiment rien du tout dans cette zone. Oui, je savais que Biella était une centre très important pour l’industrie textile et pour l’établissement de la Piaggio (l’usine de la celèbre Vespa), mais je ne savais pas, par exemple, que c’était un des centres les plus importants de la Résistance italienne.
Je m’y suis rendue à l’occasion du vernissage de l’exposition « Practicing Memory in a time of an all-encompassing present » (comme nous sommes provinciaux nous, les italiens, sans un titre en anglais on arrive même pas à concevoir une expo!) à Cittadellarte. Ce nom indique un complexe de bâtiments sur la rive du torrent Elvo, fruit de la reconversion d’usines textiles en lieux de culture. L’ensemble de ces bâtiments constitue une véritable citadelle de l’art, où, malgré son nom, l’art contemporain est intimement relié à la société civile: à l’intérieur on y trouve des espaces d’exposition (par exemple la Sala delle colonne, mais ce n’est pas la seule), le siège de l’association ReMida (qui se propose de récuperer tous les chutes industrielles et de le reutiliser pour produire des nouveaux objets pendant des ateliers pédagogiques), une école Montessori, l’association Love Difference (qui a pour but de favoriser l’échange entre les différentes cultures de la Méditerranée), un magasin qui vends des objets réalisés en matériaux recyclés, livres pour enfants et adultes…
Michelangelo Pistoletto, Mappamondo, sculpture, 1968
La personne qui rend possible tout cela et explique la possible cohabitation de ces différentes réalités est Michelangelo Pistoletto. Le célèbre artiste de l’Arte Povera (courant artistique des années 1970 en Italie) est à l’origine de Cittadellarte, qui est aussi appelée Fondazione Pistoletto. Au troisième étage on peut visiter sa propre collection d’œuvres d’art. Je vous en parlerai dans un deuxième post après les vacances, parce que M. Pistoletto est vraiment un must pour l’art contemporain (comme ça vous pourrez épater vos interlocuteurs avec votre culture pendant les dîners en société cet automne!)
Le concept qui anime les activitées de Cittadellarte est basé sur l’idée que l’art a une responsabilité sociale et peut/doit entrer en contact avec tous les différents secteurs de la société. L’art se propose donc comme moyen de changer la société et le monde autour de nous, c’est ce que Michelangelo Pistoletto et son équipe veulent nous communiquer. Cet engagement n’est pas nouveau en effet, Pistoletto: l’artiste de l’Arte Povera était déjà très engagé dans les années 1970 (ce qui n’est pas très étonnant) et défendait un art d’intervention « sociale » au sein de la ville. Surprenant et appréciable est par contre son engagement actuel, à 40 ans de distance, dans un monde, comme celui de l’art, qui paraît parfois comme le triomphe du vide et du glamour.
Vue depuis les locaux de Cittadellarte sur le Elvo
Ne vous faites pas d’illusion, ici aussi l’art contemporain reste le même que celui qu’on voit dans les galeries parisiennes, mais parfois on se trouve face à des projets qui sont imprégnés d’envie de changement véritable et d’énergie sincère. C’est ce qu’on retrouve en particulier dans les projets des artistes qui participent à Unidee, le projet de résidence d’artistes organisé chaque année par Cittadellarte pour 12 artistes provenant du monde entier. La résidence est basée sur l’interaction des artistes avec les habitants de Biella et le rapport avec l’histoire récente de ce centre textile, mais aussi sur une réflexion concernant le rôle de l’artiste dans la société contemporaine et l’importance de son action.Je me suis toujours demandée qu’est-ce que nous, qui travaillons dans un domaine si élitiste et parfois si futile, pouvions faire pour intervenir de façon authentique dans le monde qui nous entoure. Cittadellarte est une réponse à cette réflexion, certes, une réponse avec ses défauts et ses points fort, mais elle a le mérite de proposer une voie vers le changement à travers cet outil qu’est l’art contemporain.
Et si Lifeproof en était une autre ?
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Cittadellarte - Fondazione Pistoletto
via Serralunga 27 - 13900 Biella
ouvert vendredi 16h30-19h30, samedi et dimanche 10h - 19h30, mardi, mercredi et jeudi sur rdv. Fermé le lundi