C’est le petit matin. La pluie, lourde et froide, vient juste de s’arrêter. L’air est transparent, nettoyé des poussières de la ville, soulevées par les chevaux du chemin de halage. Traversant les gros nuages, vestiges de l’averse, un rayon de soleil vient frapper la tour de la nouvelle église et les maisons voisines ainsi que le petit pan de mur jaune qui a tant frappé Marcel Proust, laissant dans l’ombre celles qui s’alignent le long du quai de Lange Geer. Le vent est tombé et l’eau du canal a retrouvé son calme, précisant les reflets bleutés de la ville et de ses remparts. La transparence de l’air donne au dessin des toits et des pignons crénelés une netteté surprenante. Rien n’arrête le regard qui traverse sans obstacle le vide du clocher de la nouvelle église. Les villageois, un moment calfeutrés pendant l’averse, sortent à nouveau et viennent, au gré des rencontres, discuter sur les bords du canal. Le chant des oiseaux matinaux, un moment interrompu, a repris et souligne le calme et la lenteur de l’instant. Le grincement des accastillages des lourds bateaux en partance pour Rotterdam et accostés sur l’autre rive du canal rebondit sur le miroir de l’eau. La journée commence…
C’est le plus beau tableau du monde.