Les Stooges débarquent dans un Paris caniculaire, en ce 7 Juillet, et livreront un set surchauffé, un peu approximatif mais superbe. La première partie bien pourrie nous met les crocs, Manoeuvre est dans la fosse, on peut commencer. C'est Iggy, régulièrement auto-arrosé à l'évian, le grand maître d'Oeuvre, qui demande qu'on rallume la lumière ou qu'on l'éteigne, qui invite le public à monter sur scène au moment du Shake appeal, au grand dam du staff de l'Olympia ; c'est Iggy qui se laisse désirer au slam mais finit toujours par y aller, et qui, au delà des attitudes scéniques bien connues, habite son répertoire avec une vraie sincérité. C'est Williamson qu'on vient voir aussi, pendant monolithique de l'Iguane survolté, inventeur des riffs magiques de Raw Power, des riffs mis au point dans une chambre d'hôtel, à la guitare... acoustique. L'idée avant le son, en somme. Comme quoi un grand album ce ne pas qu'une affaire de son, nos gentils groupes néo-garage du moment semblent parfois l'oublier.
Iggy met du temps à se mettre en voix, l'eau minérale devant contrecarrer probablement l'effet du vermouth des coulisses. Ses premiers cris simiesques ne sont pas très convaincants, et il semble tout chanter avec la même voix, ce qui est un comble pour un chanteur dont la force principale est la réinvention permanente du timbre. Le volume sonore est inutilement trop élevé, écrabouillant trop souvent le sax de Mac Kay. On est pas venu se faire saigner les oreilles, mais écouter du punk incisif ; Il suffisait, sinon, d'aller voir Slayer au Zénith, le même soir. Le son est par moment franchement dégueu, quand il n'est pas lardé de larsens intempestifs.
Mais les choses se mettent en place, Iggy libère les graves, sur Johanna, et sur Open up and Bleed. On respire un bon coup d'ailleurs sur ce magnifique morceau, pulsé par un Mac Kay à l'harmonica. Au fond, Iggy n'a rien à prouver, il est là pour s'éclater avec son public, et pas pour payer un redressement fiscal. Plus que le son et les compos, qu'on pourra apprécier à l'infini sur l'excellente édition legacy de Raw Power (agrémentée de rarities et outtakes qui se foutent pas de la gueule du monde), c'est le jeu scénique et l'interprétation qui nous ravissent.
On connait l'attaque de Search and Destroy ("I'm a street walking cheetah with a heart full of napalm..."), mais c'est le plaintif "somebody gotta save my soul" qui, ce coup-ci, m'ira droit au coeur.
Lorsque le riff de Penetration résonne, Iggy mime un shoot avec son micro, et c'est la révélation : Penetration est une chanson à double sens, elle parle autant de piquouze que de coït, sauf que contrairement à la tradition des chansons blues à double sens, c'est le sens sexuel qui est explicite !
I got a right nous propulse au plafond, I wanna be your dog nous fait régresser dans l'improbable registre du karaoké punk ;Iggy joue, surjoue, occupe tout l'espace, il est radieux. On pourra regarder en face nos petits enfants et dire, sans avoir peur d'être ridicule, j'ai vu les Stooges.
Le grand n'importe quoi de Shake Appeal :