Loin d’être un simple ajustement conjoncturel, les politiques de défense des pays de l’UE depuis la fin de la guerre froide se singularisent par une modestie et un manque de réalisme qui tranche dangereusement avec la puissance économique revendiquée. Trop riches et trop vieux, les Européens sont démobilisés. Refusant de dire leur mot dans la marche du monde parce que cela induit de prendre le risque de devoir payer demain le prix du sang, ils abandonnent sans le dire ce rôle à la superpuissance américaine. Derrière les critiques de façade, le recours au bouclier américain leur va bien.
Déni de réalité, dissonance cognitive, cette politique de l’autruche ne devrait pas s’arrêter en si bon chemin. Demain sans doute des voix s’élèveront pour proposer de tailler encore plus dans les budgets et d’engager notre continent dans une neutralité de type Suisse et dans le fantasme du soft power . Ce serait un nouveau contresens de l’histoire et une méconnaissance de notre voisin qui n’a jamais mégoté sur les moyens de sa défense pour préserver ses coffres-forts des mauvaises tentations.
L’écart est conséquent entre une majorité de pays européens qui consacrent 1,5% de leur PIB à la défense et les grandes puissances du moment, ou les émergentes, qui montent leur effort jusqu’à 4%. L’impuissance européenne se mesure également à son incapacité politique à mettre en place une Europe mutualisée de la défense.
Prise dans la nasse, la France va économiser 3,5 milliards d’euros en trois ans sur ses dépenses militaires (30,1 milliards en 2011). A force de tailler dans le gras, on est arrivé à l’os. Le théâtre Afghan a cruellement pointé la vétusté de certains de nos matériels. Pour limiter la casse, le ministère de la défense a engagé la vente de nombreux biens immobiliers. Le risque pour la France et l’UE, c’est que les systèmes de défense ne sont pas rapidement réversibles. En clair, nous pouvons être demain dans l’incapacité d’agir faute de moyens adaptés. Dans ce contexte, le chant des Africains prenait ce matin sur les Champs-Elysées une étrange résonance. Il nous rappelle qu’ à une époque où notre armée se prévalait d’être l’une des plus puissantes du monde c’est aussi d’Afrique que sont venus nos sauveurs.