C’est dans un document PDF de six pages que FDN, le plus vieux fournisseur d’accès à Internet français, développe ses réponses à la consultation publique de l’ARCEP sur la neutralité du Net. Il est aussi vivement recommandé de lire la réponse longue de FDN, particulièrement riche en arguments, les commentaires pour certains très savants sont également une bien saine lecture dont vous auriez tort de vous priver.
Dans un premier temps, FDN souligne la qualité du travail réalisé par l’ARCEP et la pertinence de ses définitions « En particulier, la définition d’Internet, d’un accès à Internet, et d’un fournisseur d’accès à Internet, les notes sur les risques économiques ou liés au droit de la consommation, et la présentation d’ensemble du problème » sont à saluer. FDN souligne que les opérateurs mobiles ont du mouron à se faire et que vendre de « l’Internet illimité » risque d’être plus compliqué si l’on s’en tien aux définitions de l’Internet par le gendarme des télécoms. Un peu plus loin dans ce document, FDN souligne qu’il ne s’agit ni plus ni moins de publicité mensongère.
Concernant la gestion du trafic, FDN revient sur l’opportunité intéressante que présentent les échanges P2P : « L’utilisation de services comme les CDNs, ou comme la propagation par inondation en P2P peut permettre de rendre cette croissance essentiellement déportée, induisant une hausse de trafic sur les parties capilaires du réseau, sans surcharger les interconnexions entre grands opérateurs. » Ça parait d’une logique imparable et pourtant, exception culturelle française, ce sont ces échanges que l’on criminalise et que des outils de pseudo sécurisation tentent de brider. La centralisation des contenus (ou minitellisation de l’Internet) profite à beaucoup d’opérateurs qui poussent encore le vice, en 2010, jusqu’à interdire à leurs abonnés de faire tourner un serveur web ou un serveur de mails sur leur connexion domestique (Interdire aux utilisateurs de faire de l’Internet, c’est une idée particulièrement brillante quand on est fournisseur d’accès à Internet).
FDN revient ensuite sur la fondamentaux que l’ARCEP a un peu occulté : la liberté d’expression est selon FDN un élément du débat sur lequel il n’est pas possible de faire l’impasse : « Ainsi, pour juger de la gravité d’une atteinte à la neutralité du réseau (cette atteinte étant bien constatée par l’ARCEP), on ne peut pas éluder la question des libertés fondamentales. »
Sur la seconde orientation, FDN s’oppose de manière formelle à la création d’offres commerciales visant à prioritariser le trafic. Cette pratique est effectivement par définition une atteinte importante à la neutralité du Net et il est important que ces manipulations restent un moyen ponctuel de gérer des congestions sur le réseau.
Concernant la quatrième orientation, FDN déplore que rien n’assure que le jeux de la libre concurrence sur les réseaux fibrés sera garanti, l’enjeux pour l’accès aux boucles locales est pourtant particulièrement important : « Selon nous, tout opérateur d’une boucle locale fibre devrait, par défaut, être considéré comme en position dominante localement au marché défini par sa boucle locale, et donc se voir imposer la publication d’offres de référence pilotées par les coûts, tant en matière de dégroupage physique qu’en matière de bitstream. »
À propos de la cinquième orientation, FDN revient entre autres sur les politiques de peering des opérateurs, considérées à juste titres comme très discriminantes puisque ces derniers imposent un volume de trafic minimum pour accepter une interconnexion (ce qui est en soi assez stupide et bride de fait le jeux de la concurrence).
Enfin, sur le sixième considérant, FDN souligne un petit paradoxe de cette consultation concernant les diverses mesures de filtrages : « Et il nous semble étrange de demander aux opérateurs de préciser par écrit en quoi ils contreviennent à leurs obligations légales et réglementaires… » FDN plaide ici en faveur d’offres comerciales permettant de répondre à des sur consommation ponctuelles, mais en observant un tarif raisonnable et cohérent. Cette logique, FDN la pratique depuis 18 ans avec succès « le règlement intérieur de l’association prévoit-il explicitement la notion de sur-consommation, sous la forme d’usages entraînant un surcoût pour l’association. Et le règlement intérieur propose deux pistes pour l’abonné : soit cesser cet usage à la première injonction du surcoût engendré, soit assumer ce surcoût« .
En conclusion, on peut considérer que le point noir de cette consultation reste la définition de la licéité des contenus et du rôle que le fournisseur d’accès, pourrait avoir à gérer, dans un futur proche. C’est d’ailleurs en ce sens que ces derniers s’arment lourdement. C’est bien ceci qui risque de nous conduire à une situation assez nauséabonde de « quasi neutralité » où les fournisseurs d’accès sont aussi des fournisseurs de contenus et des gendarmes du Net qui faussera la concurrence à la base et s’essuiera les pieds sur la neutralité du Net
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