- Tu ramènes un match de foot à l’histoire, avec un « grand H » ?! Rien que ça ?!!
- Celui-là, oui ! Pas la partie dans la cour de récré ; ni même celui des quatrièmes divisions qui jouent le week-end – eux, ils ne jouent pas de tels enjeux. Et, oui, c’est toujours du foot – mais pas les mêmes contextes !
- Ouf ! Tu es en forme aujourd’hui…
- Pas plus que d’habitude, je crois.
- C’est que moi, je suis vanné… J’ai bossé toute la journée !
- Oh, ça ! Comme je roupille toute la journée, ça ne me demande pas beaucoup de travail le soir pour me tenir éveillé !
- Ou alors ça fait longtemps que tu n’as pas eu de débat comme aujourd’hui ?
- Non. Pas particulièrement.
- En tout cas, ça fait du bien de débattre avec toi, même si je ne suis pas d’accord…
- Hein ? Quoi ?! Pas d’accord ?!! Avec tout ce que je viens de te dire ?!! J’ai parlé dans le vent, alors ?
- Euh, même si je suis un peu d’accord – mais pas avec tout. Tu dis : « Il y a du sacré ». Pour moi, s’il y a du sacré, il y a un rituel. Et le football, c’est un rituel de paix entre les nations et les joueurs.
- Oui, théoriquement. Et, pour ce qui concerne le sacré, c’est celui des affects, et de l’intime.
- Pour moi, le football, c’est un sport où doit régner le fair-play – d’ailleurs, le sport, c’est fait pour réconcilier les peuples, apaiser les passions…
- Ça, c’est… abstrait pour le coup ! Peace and love…
- Non, pour moi, ça, c’est concret !
- Ton truc, c’est le Baron de Coubertin ! Sur le papier, je veux bien… Ou alors, si tu veux que ça soit réellement du concret, il faudra qu’à chaque match dans les cours de récré, qu’il y ait un ou plusieurs adultes, qui viennent expliquer et surveiller chaque mouvement, chaque geste déplacé ! Bon. Allez ! Attention, je vais dire une horreur : il y a une vertu de l’insulte – je parle pour Zidane…
- Pour Zidane, c’est un coup de boule !
- Eh bien, il y a une « vertu du coup de boule » ! Parce que le coup de boule – et l’insulte – ils viennent indiquer une limite du supportable ! Et les limites, il ne faut pas hésiter à les afficher !
- J’aurais toujours un problème avec une certaine gauche. Cette gauche qui est prête à prendre les armes, qui est pour la lutte armée, et qui est prête à poser des bombes, et faire sauter des rues avec des innocents…
- Attends, il y a bien des gens qu’il faut se résoudre à qualifier de, euh, de « connards », je suis désolé, c’est le terme – ou des vicelards pourris jusqu’à la moelle, si tu préfères. C’est pas difficile, il y en a un paquet au gouvernement en ce moment. Ces gens-là, ils ne méritent qu’une chose, qu’on leur foute des coups ou qu’on leur donne des baffes. Je ne dis pas que ça les empêchera de continuer, non plus, mais tu ne peux pas savoir le soulagement que ça fait ! Et si personne ne réagit, ils continuent leurs saloperies !
- Moi, je serais toujours contre la violence.
- C’est que tu n’as pas vécu des situations extrêmes. Et, non, je n’ai aucune problème avec la violence. Il y a cette phrase de Brecht : « Seule la violence aide, là où la violence règne ». Maintenant, il faut voir avec la violence de la connerie ! En paraphrasant, je dirais : seul, euh, l’instinct aide, là où la connerie règne !
- Je suis un pacifiste : la violence ne résoudra jamais rien. Des situations extrêmes, j’en ai connues : quand j’ai mon élève de treize ans…
- C’est bien ce que je te dis : tu n’as pas connu de cas extrêmes !!!
- Avec ce gamin de treize ans, en classe, je n’ai pas employé la violence…
- Extrême ! c’est par exemple : tu fais une manif de protestation « alter-mondialiste » – c’est comme ça qu’on dit – et tu as trois CRS devant toi. Tu n’opposes aucune résistance : tu es à terre, allongé et les bras en croix. Et eux, ils ont leurs matraques, leurs casques, leurs boucliers, et ils te foutent sur la gueule ! alors que tu es inoffensif ! Ça, c’est une situation extrême !!! Et, pas si rare que ça, en plus !!! Et, tu viens me dire : je ne me défends pas, parce que je suis pacifiste ??!
- Si : là, je me défends !!!
- Mais là, c’est déjà trop tard !!! Avec une seule matraque, ces trois CRS, ils t’ont mis dans les pommes !
- Je crois à la résistance, comme dans les années 40, avec les sabotages, mais pas aux actes de violence…
- Moi, je suis pour une violence, disons « légitime », qui permet de prévenir de ces situations dégueulasses ! Et la société, dont tu dis « croire aux institutions qui garantissent le respect des droits de tous », elle produit sciemment ces « dérapages », car c’est la nature du système dominant – et de la classe bourgeoise ! Et, comme tu préfères garder tes œillères, je ne pourrais pas te convaincre. Mais, on en reparlera le jour où tu devras défendre ta peau – je ne parle pas de celle des autres – et que tu devras sortir de ta planque !
- Eh ! Voudrais-tu dire par là que je suis quelqu’un de lâche et de soumis ?
- Euh, oublions ça… ahem ! Bon, je retire tout ce que je viens de dire… « mais-je-ne-le-re-gret-te-pas ! »
par Albin Didon