Lors d'un entretien avec l'analyste politique Matt Lewis dans le cadre de la Bourse Tocqueville, ce dernier a pu exposer son analyse des divisions de plus en plus visibles entre conservateurs américains sur les questions de politique internationale. La quasi unanimité dans la défense de la guerre en Afghanistan qui prévalait sous la présidence Bush a été récemment mise à mal, prélude à de possibles divisions graves.
L'unanimité de la présidence Bush et des débuts d'Obama
En s'appuyant sur l'événement fondateur que constitua le 11 septembre 2001, la politique étrangère de la présidence Bush s'est organisée autour d'une doctrine de politique étrangère claire : la lutte contre toute forme de terrorisme et de menaces, y compris à l'étranger.
Les soutiens à cette politique étrangère interventionniste sont venus de tout bord : soutien presque total des républicains et d'une large part des démocrates (40% environ au Sénat et à la chambre), y compris Hillary Clinton. Au Sénat, Lincoln Chafee avait été le seul républicain à ne pas voter la guerre en Irak. A la chambre des représentants, seuls six républicains avaient refusé de voter la résolution. Le plus connu étant bien sur Ron Paul.
Aucune rupture de fond à ce soutien à l'interventionnisme n'avait été observée avec l'arrivée d'Obama. Depuis peu de temps, les choses changent...
Évolutions récentes
Une prise de position récente d'Ann Coulter, célèbre chroniqueuse conservatrice américaine, est venue à rebours de ce soutien à l'interventionnisme et risque d'ouvrir une fracture entre conservateurs.
Coulter s'était rendue célèbre par son soutien déterminé à la guerre en Afghanistan, déclarant par exemple en 2001 : “We should invade their countries, kill their leaders and convert them to christinanity”. Aujourd'hui, c'est de cette même guerre et des néo-conservateurs qu'elle se distingue nettement écrivant le 7 juillet 2010 : “Afghanistan is Obama's war and, judging by other recent Democratic ventures in military affairs, isn't likely to turn out well”. Elle rejoint Michael Steele, président du comité national républicain depuis le 30 janvier 2009, qui avait lui aussi pris ses distances avec la guerre en Afghanistan, ou encore George Will et Tony Blankey.
Implications
Ce sont deux exemples de ce que Matt Lewis voit comme le début d'un possible schisme au sein du camp conservateur. D'un côté, les néo-conservateurs dont Bill Kristol (durement critiqué personnellement par Ann Coulter), de l'autre des conservateurs qui reviennent à l'isolationnisme traditionnel du parti républicain, cher à Pat Buchanan (voir cet article de Buchanan).
Autre conséquence possible, une évolution de la politique étrangère américaine avec la possible fin du soutien républicain à la guerre. Peu soutenu par son propre camp, Barack Obama pourrait être contraint à changer radicalement sa politique si les républicains venaient eux aussi à ne pas le soutenir...
Des théories qui s'inscriraient dans la logique du syndrome d'Icare décrite par Peter Beinart : après le succès, puis l'ambition excessive, la politique étrangère américaine revient à la modestie une fois s'être brulée les ailes...
Image : Matt Lewis, licence CC, auteur Quentin Michon.