Quelques notes sur Black bazar et Verre cassé au Lavoir Moderne Parisien

Par Gangoueus @lareus
Black Bazar d’Alain Mabanckou, adapté et interprété par Modeste Nzapassara (Mardi, Mercredi à 21h)
C’est au Lavoir Moderne Parisien que le roman Black Bazar de l'écrivain congolais Alain Mabanckou est adapté depuis le début du mois, tous les mardis et mercredis du mois de Juillet.
Je dois tout de suite et sans détour vous dire que j’ai apprécié l’interprétation de cette pièce. Modeste Nzapassara déploie toute la mesure de son talent de comédien pour donner libre expression au fessologue, personnage épique aux allures de dandy, pathétique amant refoulé, dépouillé de sa belle, et qui tente par l’écriture de se remettre de ses déboires conjugaux.

N’ayant pas lu ce roman d' Alain Mabanckou, j’ai néanmoins reconnu dans la construction de la pièce, la structure qui a fait le succès de Verre cassé : la truculence, le rire, l’ironie, l’auto dérision si chers aux personnages du romancier, puis le drame, la fêlure individuelle, voir l’imposture à laquelle Alain Mabanckou ne cesse de renvoyer ses lecteurs. Dans Black bazar, c’est le monde du paraître qui caractérise si bien la société des ambianceurs et des personnes élégantes, j’ai nommé la SAPE, qui tombe sous les griffes de l’auteur.
Modeste Nzapassara qui semble s’être parfaitement imprégné du discours de l’écrivain met magnifiquement en scène cette duplicité du sapeur. Le fessologue, dandy, écrivain en herbe, spécialiste de la fesse porte un regard sur cette population qui l’entoure dans ce milieu de l’immigration africaine à Paris qui s’apparente aux personnages qui rôdent près du Lavoir Moderne Parisien, du côté de Château Rouge. Un regard caustique. Mais il entend aussi ce que l’on dit de lui. Comme le discours un poil raciste, de ce voisin français, qui ne comprend qu’un homme descende jeter sa poubelle en demi-dakar, bref bien mis.
Mon esprit s’est surpris à voir les murs de la salle s’effondrer et Modeste Nzapassara poursuivre son récital dans les rues du quartier du LMP, tellement son jeu, ses tirades vibraient en phase avec l’atmosphère du milieu ambiant. Le déroulement de la pièce n’est pas linéaire. Il suit plutôt les états d’âme du fessologue. Ce qui peut rendre ardu la compréhension de cette pièce. Mais la cohérence de l’ensemble permet au spectateur de ne pas lâcher son fil d’Ariane.
Que trouve-t-on derrière le rire, la mascarade ? Vous le saurez surement en allant voir cette pièce qui m’a donnée envie de passer à la lecture du roman. Pièce que le comédien joue seul ,peut-être pour mieux illustrer la solitude du fessologue, de l’immigré, de l’homme tout simplement. Bien sapé, cela va de soit.
Verre cassé d’Alain Mabanckou, adapté et interprété par Fortuné Batéza (jeudi, vendredi 21h)
Fortuné Batéza est venu de Kinshasa pour nous livrer sa partition sur le roman qui a rendu populaire Alain Mabanckou : j’ai nommé Verre cassé. Inutile de présenter ce texte tant de fois chroniqué sur la blogosphère, là où les lettres africaines ont tant de mal à trouver un écho. Histoire de souligner l’influence de l’auteur.
J’aurai tendance à comparer les deux adaptations de ces romans en considérant que les charnières de ces derniers semblent très proches. Pourtant les choix ne sont pas les mêmes, tant sur la mise en scène que dans le jeu des deux acteurs. Fortuné Batéza joue beaucoup plus dans le registre du théâtre populaire congolais. Ce qui n’a rien de péjoratif, puisqu’il a beaucoup plus de chance de toucher le public africain. Ce qui se traduit le prix d’interprétation qu’il a obtenu justement avec Verre cassé.
Il interprète donc tous les personnages qui ont fait rire ceux qui ont ouvert et lu ce roman étonnant. L’homme aux pampers, Robinette, Mouyéké l’escroc...Il met en scène les réflexions ubuesques du dictateur en panne de communication. J’ai personnellement trouvé qu’il y avait un déséquilibre puisque dans son adaptation, Batéza donne beaucoup plus de poids à la première phase du roman qui est une franche rigolade et une accumulation de caricatures, qu’à la seconde partie du roman où le lecteur que je suis, était rentré dans l’intimité de Verre cassé (le personnage), dans son drame, dans sa solitude. De plus, on ressent un peu moins le texte, la langue de Mabanckou.
Néanmoins, le jeu du comédien kinois pallie à ces légers manquements et réussit à tenir le rythme de cette pièce très intéressante.
A voir et à faire voir au Lavoir Moderne Parisien
35 rue Léon, Paris 18ème arrondissement
Réservation au 01.42.52.09.14