Des chercheurs ont mis en évidence les cellules à l'origine du sarcome d'Ewing, une tumeur osseuse de l'enfant. Et ont été capables de « normaliser » ces cellules tumorales.
DES CHERCHEURS de l'Inserm à l'Institut Curie à Paris viennent de découvrir les cellules à l'origine du sarcome d'Ewing, cette tumeur maligne osseuse qui touche de 80 à 100 adolescents et jeunes adultes par an. Il s'agit des cellules du mésenchyme, un tissu conjonctif qui sert de soutien aux autres tissus. Cette découverte publiée le 7 mai dans Cancer Cell est d'un intérêt majeur car les chercheurs ont par la suite réussi à « forcer » les cellules tumorales à redevenir normales. Une telle approche ouvre des perspectives thérapeutiques nouvelles. Car il pourrait alors être possible de les rendre moins agressives et de s'opposer ainsi à leur prolifération.Cette tumeur qui a un pic de fréquence au moment de la poussée de croissance osseuse, entre 12 et 20 ans, se développe le plus souvent au niveau des os des membres inférieurs (bassin, fémur, tibia, péroné). Elle se traduit par une douleur à la marche et une tuméfaction. Lorsqu'elle est située sur les côtes, le patient se plaint d'une masse douloureuse. Comme le sarcome d'Ewing possède un certain pouvoir métastatique, il n'est pas rare de voir apparaître des foyers cancéreux au niveau des poumons et de la moelle osseuse. En trente ans, son traitement d'abord axé sur la radiothérapie a profondément évolué. Il passe aujourd'hui par la chimiothérapie et l'exérèse de la tumeur au prix de possibles séquelles motrices. Dans les formes non métastasées, le pronostic est assez bon avec trois quarts de guérison.
Poussée de croissance
L'Institut Curie est le centre de référence pour la prise en charge clinique de ces jeunes patients en France mais aussi au niveau international. Il occupe aussi une place importante dans la recherche sur ces cancers pour lesquels il existe une signature moléculaire simple, ce qui est rare, à savoir une mutation spécifique à l'origine du développement tumoral.
Pour les sarcomes d'Ewing, cette signature a été identifiée et caractérisée au début des années 1990. L'équipe dirigée par Olivier Delattre, directeur de l'Unité Inserm 830 « Génétique et biologie des cancers », avait montré que cette tumeur était due à un échange accidentel de matériel génétique entre les chromosomes 11 et 22. Tant et si bien que les deux gènes cassés et recollés de façon anormale aboutissent à la naissance d'un gène muté dirigeant la mise en place d'un programme aberrant. Mais jusqu'à présent, depuis la description de ces sarcomes dans les années vingt par James Ewing il y avait beaucoup d'interrogations non résolues sur le type de cellule à l'origine de la tumeur : endothéliale, neurale, épithéliale, etc.
Après avoir mis en culture des cellules de la tumeur et ensuite inactivé le gène muté, les chercheurs de Curie en collaboration avec Pierre Charbord de l'Inserm à Tours ont réussi à « forcer » les cellules tumorales à retrouver leur statut d'origine. Ils ont ainsi découvert qu'il s'agit de cellules souches mésenchymateuses, capables de se différencier normalement en cellules soit osseuses, soit graisseuses.
« Pour essayer de comprendre la biologie des cellules tumorales et tenter de les contrecarrer, il est important d'abord de connaître la biologie des cellules normales correspondantes », explique Olivier Delattre. Or à l'adolescence, au moment de la poussée de croissance, les cellules normales sont soumises à une intense signalisation par l'hormone de croissance et par l'IGF (insuline growth factor). En cas de tumeur d'Ewing, ces cellules perdent leur capacité d'être régulées finement par l'IGF 1, d'où une prolifération sans contrôle.
Cette découverte va permettre aux chercheurs de construire un modèle animal de la tumeur d'Ewing, une étape essentielle à la mise au point de futurs traitements « qui agiraient par exemple contre la signalisation par l'IGF 1 », précise Olivier Delattre. Reste à intéresser les industriels à cette recherche qui concerne un tout petit nombre de malades. Un espoir cependant. Comme la signalisation par l'IGF 1 est fréquemment altérée dans certaines tumeurs de l'adulte, l'industrie pharmaceutique manifeste de l'intérêt pour ce type de recherches.
CATHERINE PETITNICOLAS - http://www.lefigaro.fr/