La grande tendance 2010 pour les marques de luxe est à la construction de leurs propres réseaux sociaux. Ils leur permettent de créer une relation avec leurs consommateurs en dehors de l’acte d’achat et de fédérer leurs communautés. La crise n’a fait qu’accélérer ce mouvement, avec de belles pépites, mais aussi de vrais studycases de ce qu’il ne faut surtout pas faire. Premier exemple avec le réseau social by Gucci.
Gucci Eye Web se veut le réseau social de la marque, dédié à la conquête des 18-25 ans, génération digitale en quête d’interactivité et de gratuité.
Le principe est simple : en vous connectant, vous accédez à deux modèles de lunettes, Homme et Femme. Choisissez votre ville (New York, Londres, Paris, Milan, Berlin, Barcelone, Tokyo), uploadez vos photos et vous pourrez… vous voir en reflet dans ladite paire de binocles. Amazing ? Non, je ne crois pas.
Mais Gucci Eye Web a tout de la stratégie opportuniste et irréfléchie : analyse.
Ce site est éminemment promotionnel : il est centré sur les deux nouveaux modèles Homme et Femme, les liens vers le Gucci Shop sont bien mis en évidence au bas de la page.
L’interactivité est limitée à du contenu extrêmement pauvre : vous pouvez vous « voir » en reflet dans les lunettes qu’on essaie de vous vendre à tout prix. Il est vrai que Gucci essaie de viser un public jeune. Mais là, on sort carrément de la stratégie de la marque de luxe : absence criante de sélectivité ou même de notion d’appartenance. Sans vouloir manquer de respect aux personnes qui ont bien voulu jouer le jeu… Uploader ses photos de soirée pour être vu sur le site de Gucci, quel intérêt ? Quels éléments rendent ce site unique ?
Justement, aucun. Le contenu dit « exclusif » qu’on nous propose de télécharger n’est qu’un amas de brochures. J’ai envie de dire : Gucci Aïe…
Pour bâtir une véritable stratégie communautaire et de média sociaux, il faut satisfaire plusieurs critères.
Il faut proposer du contenu NON PROMOTIONNEL, du brand content, du gratuit, en somme. Il faut sortir de la démarche purement marchande, sinon la magie n’opère pas. Le média social, la relation directe de la marque à ses fans doit se faire sans ambigüité, sans hypocrisie.
Le contenu doit être interactif : la marque et sa communauté doivent être impliquées dans une relation directe. Proposer un simple jeu, ce n’est pas du média social ! Pour se sentir impliqué, le fan doit voir qu’il ne vient pas sur le site en vain, s’il n’a pas de feedback, une relation personnalisée, privilégiée, si on ne le stimule pas, son implication restera au ras des pâquerettes et la stratégie de média social se trouvera alors être un échec.
Quand on pense à « Art of the Trench » (Burberry), on pense élection, sélectivité, authenticité, cohérence. Proposer à ses fans d’être photographiés par Scott Schuman, ça c’est de l’exclusivité. On construit une relation pérenne avec les fans de la marque.
La plateforme « Voyage d’Hermès » , de son côté, est une invitation permanente au voyage mais aussi un partage d’expériences. Sur le site, on dévoile ses rêves, on les échange avec la communauté, dans un vrai élan de générosité.
En revanche, quand vous prenez vos consommateurs pour des « gogos » et que vous leur proposez une interactivité très réduite, aucune possibilité d’accéder à l’univers de la marque, que vous les laissez dans leur rôle d’acheteur en permanence, vous les démobilisez.
Malheureusement, Gucci Eye Web n’est qu’un symptôme. Certaines marques considèrent le web et les média sociaux comme des gadgets, des « médias bâtards » (prédits par les Darkplanneurs en 2006), des joujoux magiques qui propulseront leur e-réputation et en feront des références incontournables. Il est temps de faire une mise à jour et de réfléchir à des véritables philosophies de médias sociaux parfaitement affines avec leurs ADN. A bon entendeur…
Archivé par Neil