À propos de liberté… Délicieuse nouvelle que De quoi...

Publié le 13 juillet 2010 par Mmepastel

À propos de liberté…

Délicieuse nouvelle que De quoi est-ce qu’on a l’air ? de Colette, publiée en 1908. On y comprend combien l’auteure se régale de sa nouvelle vie, après avoir été quittée par Willy, après avoir goûté à la vie libre et dissolue d’une femme qui se moque du qu’en dira-ton et de ce dont elle pourrait avoir l’air. Simplement, elle est libre comme l’air.

Dans cette nouvelle, elle accepte à contre-coeur la visite d’une amie très comme il faut, Valentine, qui incarne tout ce à quoi elle a renoncé, et plus encore. C’est le conformisme faite femme : elle a un mari, un amant, tient une maison, veut se montrer avec de beaux habits, se soucie en permanence du regard des autres…

En acceptant cette visite, elle dit adieu, et c’est là son regret, à “(s)on cher dimanche de paresse et de lit tiède, (s)on dimanche de gourmandise, de sommeil, de lecture”.

Quand Valentine vient (elle qui exaspère jusqu’au chat !), elle raconte ses menus soucis et se montre exténuée. Voilà le conseil que lui donne Colette la narratrice : “Levez-vous tard.” Impossible selon la dame aux responsabilités : “Nous autres, on ne nous le permet pas.

Nous autres… Pluriel mystérieux, franc-maçonnerie imposantes de celles que le monde hypnotise, surmène et discipline… Un abîme sépare cette jeune femme assise, en costume tailleur gris, de cette autre femme couchée sur le ventre, les poings aux mentons. Je savoure, silencieuse, mon enviable infériorité.”

Bonne âme, l’hôte écoute, attend, observe avec une bienveillance amusée son amie qui se débat contre la fatigue.

“Chut !… elle ne parle pas. Ses yeux battent et ses yeux ont l’air de s’évanouir… J’ai, devant moi, une figure presque inconnue, celle d’une jeune femme ivre de sommeil et qui s’endort avant d’avoir fermé les paupières. Le sourire voulu s’efface, la lèvre boude, et le petit menton rond s’écrase sur le col en broderie d’argent.

Elle dort profondément à présent. Quand elle se réveillera en sursaut, elle s’excusera, en s’écriant : “M’endormir en visite, sur un fauteuil ! De quoi cela a-t-il l’air ?”

Mon amie Valentine, vous avez l’air d’une jeune femme oubliée là comme un chiffon gracieux. Dormez entre le feu et moi, au ronron de la chatte, au froissement léger du livre que je vais lire. personne n’entrera avant votre réveil ; personne ne s’écriera, en contemplant votre sommeil boudeur et mon lit défait : “Oh ! de quoi ça a t-il l’air ?” car vous pourriez en mourir de confusion. Je veille sur vous, avec une tiède, une amicale pitié ; je veille sur votre constant et vertueux souci de l’air que ça pourrait avoir…”

Les Vrilles de la Vigne.

Peinture de Connie Dillman, Afternoon Nap via themagiclantern. (Mise à jour à 15h51, tant cette peinture tombait à pic.)