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Puissants ou misérables (2)

Publié le 13 juillet 2010 par Malesherbes

Mon sort n’a rien de particulièrement pitoyable mais, si je le compare à celui de ceux que je qualifie de puissants, je me sens autorisé, au moins pour la durée de ce billet, à me ranger dans la catégorie des misérables. Je m‘en vais vous conter deux épisodes que j’ai vécus pour les rapprocher de faits voisins relevés chez d’autres. S’ils sont d’importance plus que modeste, ils illustrent toutefois parfaitement toute la distance qui sépare les misérables des puissants.

Il y a plusieurs années, en ces temps besogneux où ne disposions pas de l’Internet pour déclarer nos revenus, j’avais, je ne sais comment, commis une erreur relative à la liste des œuvres auxquelles j’avais fait des dons : pour l’une d’entre elles, j’avais joint un justificatif daté de l’année précédant celle des revenus que je déclarais. Je vous précise que j’avais bien sûr également en ma possession un justificatif portant la bonne date mais je ne saurais faire grief à l’agent des impôts d’avoir écarté cette œuvre de la liste de mes bénéficiaires. Il était tout à fait fondé à interpréter cette bévue comme une tentative audacieuse de fraude. J’ignore tout de la façon dont de tels fonctionnaires sont récompensés ou au moins félicités pour des actes d’une telle vaillance mais je suis heureux de constater que, à nous deux, nous ayons pu contribuer modestement au redressement des finances de l’Etat : pensez, j’avais failli leur soustraire quarante euros !

Là où je cesse d’être d’accord, c’est quand je remarque que des puissants, avec des patrimoines fort imposants, peuvent déclarer des revenus ridiculement faibles comme ceux que je mentionnais dans mon billet précédent et qu’apparemment cela n’émeuve en rien le fisc.

Dans le même ordre d’idées, il y a une quinzaine d’années, l’entreprise qui m’employait avait envisagé de filialiser le secteur où je travaillais. Cette évolution leur semblant éminemment dangereuse, les salariés s’étaient mobilisés contre ce projet et s’étaient rassemblés devant le siège social de l’entreprise pour manifester leur opposition. M’étant joint à cette action, de retour dans mon bureau, j’avais fidèlement consigné une absence de deux heures dans mon rapport d’activité en l’affectant du code « grève ».

J’avais ensuite constaté sur mon bulletin de salaire un retrait correspondant à ces deux heures où l’entreprise n’avait pu bénéficier de mes compétences, du moins dans le sens où elle l’imaginait à l’époque puisqu’ensuite elle se rallia à notre position et abandonna son projet. Je ne fus pas choqué de ce retrait qui me semblait justifié. Mais quelle ne fut pas ma surprise lorsque, en décembre, je remarquais que ma prime de fin d’année, égale d’ordinaire à un mois de salaire, avait été amputée au prorata de ces deux heures où j’avais lâchement abandonné mon poste.

Dans l’un des billets que j’avais consacrés à Woerth la vertu, j’avais cité un rapport de la Cour régionale des Comptes sur l’Association de Développement de l’Oise. Il en ressortait que le Directeur Général de cette si efficace association, Eric Woerth pour ne pas le nommer, avait perçu pour l’année 1986 la totalité d’un treizième mois alors qu’il n’avait œuvré à cette noble entreprise qu’à partir du mois de juillet. Du côté des misérables, la règle veut que l’on calcule cette prime au prorata du temps passé et je viens de vous narrer jusqu’à quelles extrémités. Je ne comprends pas comment notre si intègre Ministre du Travail a pu à l’époque s’accommoder en conscience d’une telle faveur, qui sait, peut-être même auto-octroyée.


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