“Il est revenu hier. Il est descendu du train, le crâne rasé et la peau rance. Il ne ressemblait pas à Kirk Douglas. Alors j’ai pu voir clairement ma mort.” Dans la série des romans aussi brefs que fulgurants dont la maison Liana Levi a le secret, Dernier train pour Buenos Aires (parution prévue pour le 2 septembre prochain) est d’une remarquable efficacité. Enigmatique, mystérieux et elliptique, ce court western se déroule dans un pueblo anonyme situé à quelques 150 km de la capitale. Ce deuxième roman du jeune auteur (mais néanmoins très prometteur) Hernán Ronsino (1) se présente sous la forme d’un récit polyphonique dans lequel une poignée de personnages centraux prennent la parole à des moments très différents pour raconter non pas leur version des événements, mais avant tout pour se livrer. A travers ces quatre monologues percent alors non seulement leurs diverses obsessions, mais aussi leur propre histoire. Ainsi, ce n’est qu’une fois terminé la lecture de ces quatre récits désarticulés que l’on est en mesure de comprendre ce qui s’est passé au sein de cet univers essentiellement masculin. Par ailleurs, bien que le pivot du roman, dont on gardera longtemps en mémoire l’ambiance sombre et la dimension cinématographique de nombreuses scènes, s’avère être un crime passionnel, l’auteur recourt à un schéma narratif opposé à celui du roman policier puisque celui-ci n’est dévoilé que dans les dernières pages. En toile de fond de ce puzzle littéraire, on retrouve enfin des allusions extrêmement discrètes à un demi-siècle d’histoire argentine, tandis que, lourde de signification, la disparition du train symbolise la mort d’un petit village en proie à la déréliction.
(1) Son premier roman, La descomposición, n’a pas encore été traduit en français.
F.A.
source: blogs.mollat.com/litterature/2010/07/12/dernier-train-pour-buenos-aires/