Nicolas Sarkozy devrait écouter ses opposants. Dominique de Villepin dans la journée avait formulé un conseil judicieux sur France culture: “La vraie question (est) : est-ce-que Nicolas Sarkozy va atterrir ce soir ? Voilà trois ans que Nicolas Sarkozy reste dans une bulle qui est celle de sa campagne de 2007, nous n’avons pas besoin d’un président de la République cosmonaute. Nous avons besoin d’un président de la République qui vive au milieu des Français. Or, les promesses de 2007 correspondaient à une époque où l’on croyait encore que la croissance allait durer”.”Ce que les Français attendent d’un président de la République, “c’est de donner le signal de la justice”, avait insisté l’ancien Premier ministre.
Nicolas Sarkozy devrait écouter son propre camp. François Fillon, Jean-Pierre Raffarin, Edouard Balladur et Alain Juppé l’invitent à changer et de style et de gouvernance mais le président n’en a cure. Même si le Chef de l’Etat a habilement usé d’un ton posé, la forme cache une volonté d’assumer tout mais de ne rien changer.
Courroye de transmission. Le président cosmonaute ne semble pas saisir l’ampleur du trouble créé par les affaires. “Calomnies” pour le président qui accuse les intérêts menacés quand Martine Aubry appelle à un “remaniement moral” et évoque ses doutes sur une justice que l’exécutif veut mettre à sa main. A cet égard, Nicolas Sarkozy, ancien avocat, ne manque pas de culot en affirmant que le procureur était un juge indépendant comme si magistrats assis et magistrats debouts jouissaient de la même liberté à l’égard du pouvoir politique… Les faits sont têtus. Placé sous l’autorité hiérarchique du ministre de la Justice, le procureur Courroye est réputé proche du chef de l’Etat.
“J’ai promis une République irréprochable, c’est ce que nous faisons“, a martelé le président de la République. A défaut d’évoquer les turpitudes de son camp, Nicolas Sarkozy s’en exonère en rappelant celles du passé. Somme toute, aujourd’hui c’est mieux parce que c’est moins pire.
L’appréciation a vocation à être étendue à l’ensemble des actions de l’exécutif et à constituer un argument choc : même si les réformes actuelles sont imparfaites, elles tranchent avec l’immobilisme de ses prédécesseurs. Pris dans cette seringue, Nicolas Sarkozy est condamné à ne pas perdre la face dans le dossier des retraites qui constituera une séquence politique décisive pour 2012. Le combat des retraites ne fait que commencer entre capacité à réformer d’un côté et capacité à proposer une alternative crédible de l’autre. En attendant, soufflant le chaud et le froid, le président a réaffirmé qu’il n’accepterait pas de revenir sur le recul de l’âge de départ à la retraite à 62 ans ni sur l’alignement des cotisations retraites public/privé, mais qu’il était ouvert sur le reste.
Pas à un paradoxe près, Nicolas Sarkozy fortement chahuté par l’affaire Woerth-Bettencourt n’a eu de cesse d’affirmer qu’il est “un homme d’équilibre et de sang froid“. Une façon habile de tenter de tordre le cou au sentiment que pendant plusieurs semaines, l’Elysée avait perdu la main. Un moyen également d’enfiler une manche du costume de président-protecteur qu’il se réserve pour 2012. D’ici là il lui faut réussir à s’affirmer comme l’homme qui aura réussi à sauver les retraites. On comprend mieux dès lors pourquoi Eric Woerth, pion hautement stratégique, ne pouvait être lâché. La gauche est prévenue, les prochaines échéances présidentielles ne seront pas comme on pourrait le croire aujourd’hui une balade de santé.