J’ai lu mon premier Douglas Kennedy.
J’avais d’immenses a priori snobs (auteur de bestsellers, auteur de têtes de gondole, etc…)… Puis trois facteurs m’ont poussée à franchir le pas : deux amies disaient aimer ses livres, et, il faut bien l’avouer, j’ai lu une critique dans Les Inrocks qui l’adoubait : et qui disait qu’avec Quitter Le Monde, l’auteur cessait “d’être exclusivement un entertainer” et devenait “un écrivain convaincant”. Snobinarde que je suis, j’ai donc acheté Quitter Le Monde.
Et je l’ai effectivement dévoré. Il paraît que c’est le roi du “page turner”, comprenez, vous commencez un de ses livres et vous ne pouvez pas le lâcher. Je confirme. J’ai d’ailleurs trouvé cela très agréable. Par ailleurs, j’ai beaucoup aimé son héroïne, Jane Howard.
Durant près de sept cent pages, le sort s’acharne sur elle, et elle fait face, même quand elle veut “quitter le monde”. On s’attache à cette “mère courage”, grâce à une absence de pathos totale, alors même qu’elle vit ce qu’il y a de plus traumatisant au monde.
Il m’apparaît finalement que ce livre, à côté du fait d’être un thriller-road-book psychologique (oui, j’invente des termes), est une réflexion sur la lutte. Lutte entre culpabilité et besoin d’avancer, entre destin et libre-arbitre ; lutte contre les assauts du malheur qui frappent continuellement à la porte de Jane, au sein même de l’écriture, lutte entre profondeur et clarté, lutte entre livre haletant et réflexion philosophique (voire métaphysique).
Oui, Douglas Kennedy a bien chargé la mule. Il n’y est pas allé avec le dos de la cuillère concernant les malheurs de Jane. Il a un peu forcé sur les rebondissements.
Bref, ce livre n’est pas subtil ; le style est vraiment, à mes yeux, au ras des pâquerettes, mais Quitter Le Monde a un très grand mérite à mes yeux : celui d’être un livre dynamique. Qui contient en lui des forces antagonistes et ne les aplanit pas. Un livre plein de colère et de rage, contre l’optimisme forcé du pays de son auteur, les U.S.A.. Contre la fable qui consiste à dire que l’on choisit ce qui nous arrive, parce que “yes we can” ou quelque chose du genre, grâce à la volonté, la force de caractère, etc…
C’est un livre dynamique et désespéré. J’aime bien ce paradoxe.
Si vous jetez un oeil à ce que dit l’écrivain et à cet article, vous verrez qu’il incarne cette énergie et cette mélancolie. Bref, Douglas Kennedy est un auteur intéressant. Enfin, qui m’intéresse.
Photographie de Luis Beltran.