Dans un article du Monde du 10 juillet (lire ici avant de poursuivre), le plus célèbre vulgarisateur de France, celui que tout le monde respecte parce qu'il a ouvert des cours de philo populaire à Caen, nous démontre qu'on peut avoir une bonne idée, mais dispenser des idées nauséabondes. Je lui conseille de plancher sur un sujet: tolérance ou respect?
La tolérance, c'est accepter ce qu'on désapprouve. Le respect, c'est considérer la chose ou la personne. En réalité, drapé dans sa vertue de républicain de gauche (caviar), M. Onfray est un petit Robespierre. Grands discours sur l'amour et contre la peine de mort, mais juge de ce qui doit être et ne pas être. Pour M. Onfray, soi-disant athée, il y a le bon et le mauvais (1). Moi, je dis: Démocratie ne vaut que si les gens sont éduqués... ou plutôt instruits (pour qu'ils s'éduquent eux-mêmes). Je crois l'être suffisamment pour critiquer cet âne qui montre jour après jour qu'il fait de la République une Religion et la langue française une sur-langue, vecteur de civilisation?
Assurément, les langues régionales, c'est mal. A nouveau j'oserai la comparaison avec Robespierre à ceci près qu'au XXIème siècle, croire aux "ennemis de l'intérieur" (2) avec une telle foi est un signe de déficience mentale: paranoïa on appelle ça! Ah, mais M. Onfray ne veut pas changer, c'est vrai que, pour lui, tous les psy sont des charlatans (voir son dernier livre). De même que, c'est bien connu, tous les profs sont des fainéants, tous les politiques sont pourris... une réthorique bien connu du FN et popularisée par Le Pen. Je me permets d'y aller franco puisque, selon ses dires, je suis (parce que je défends les langues régionales et, pire, que je pratique le breton) "un cheval de troie de la xénophobie", que "j'exclue l'étranger"...
Nous, les méchants, autonomistes, indépendantistes, on les connait vos discours! Ce sont eux qui dressent les uns contre les autres les langues au profit du français. Vous qui ne parlez ni esperanto, ni gallo, mais qui tentez de leur faire croire que si ces langues ne décollent pas, c'est de notre faute. Jeu de dupes puisque vous ne parlez aucune de ces langues. Elles sont simplement "pratiques". Un vrai roman d'intrigues où les alliances improbables se nouent... franc mac' à la con! Vous savez pertinemment que pour détruire une culture, il suffit de détruire sa langue. Détruire une langue, c'est détruire le rapport d'un peuple à son territoire, c'est déraciner un sentiment d'appartenance. Et quoi de plus facile quand l'Etat permet de le faire légalement, doucement, mais sûrement?
Les ennemis de l'intérieur! Paranoïa qui me donne envie de plonger dans les livres d'expertes de la Révolution Française: Mona Ouzouf et Suzanne Citron. Ah, c'est vrai qu'ils sont fortiches nos gardiens du temple, les Charasse et Mélenchon, véritables pastiches des révolutionnaires d'antan, mais qui n'ont pas évolué! Onfray nous taxe de "dinosaure", je me marre!
D'où la langue bretonne serait une menace pour la Nation française? Diwan, "une secte" dixit le Sénateur de l'Essonne au Sénat en 2008 (lire ici)? Je connais peu de bretons qui ne soutiennent la France dans les compétitions internationales (excepté l'équipe de football, mais cela est lié à leur qualité). Construire son identité au détriment d'autres, voilà bien votre rôle de péquenots, craintifs que vous êtes de voir s'effondrer votre beau chateau de sable. La France est un mythe, elle s'est construite dans le sang et le mépris d'Autrui. Suis-je anti-français en disant cela? Je ne crois pas. Car chaque nation est un mythe. Elle se construit parce que des hommes et des femmes y croient.
Mais tous ces fanatiques - et j'emploie du vocabulaire religieux à dessein - comprennent-ils la complexité du monde? Soucieux, eux les laïcards, de défendre les valeurs de la République (lesquelles? Liberté? Egalité? Fraternité?), ils pactisent avec l'Abbé Grégoire (voir ici) et tendent à l'uniformisation.
Jacobinisme est certes un mot désuet, mais il est toujours d'actualité. Un mot désuet pour individus désuets! Le jacobinisme s'accorde très bien de l'uniformisation capitaliste... dès lors que la langue française reste la tête hors de l'eau. Ne comprennent-ils pas que défendre la diversité linguistique et donc le breton, le corse, le basque, c'est aussi défendre le français dans le monde, fut-il la langue du colon? Un poids deux mesures pour ces Justes!
Je ne sais pas sur quel piédestal ils placent le français, mais il serait temps de leur apprendre que chaque langue est le produit d'une réflexion humaine. Que le breton n'est pas un dialecte, mais une langue distincte du français. Qu'il puisse co-exister des cultures en France n'était pas dans leur schéma de conquête du monde. Minus et Cortex de pacotille! Il existe effectivement divers breton comme il existe divers français, mais l'essentiel est que la communication puisse avoir lieu. Et le breton dit "unifié" est compréhensible, croyez-le! Cela doit-il empêcher les dialectes de vivre? Non. Mélenchon et Onfray ne font que colporter des ragots qui ont fait leur temps. Moi qui ne parle pas si bien breton que cela, je comprends un vannetais ou un léonard, un cornouaillais ou un trégorois!
Alors, oui, Monsieur Onfray, je suis tribal! Oui, je suis un farouche anti-universaliste car ce sont les gens comme vous, les missionnaires (qu'ils soient religieux ou laïcs), qui ont décimés des cultures entières! Indiens d'Amérique, d'Amazonie, peuples primitifs en Afrique ou en Asie, cultures minoritaires en Europe. Vous participez à l'extinction, comme M. Arthus Bertrand hostile aux langues régionales, d'une diversité aussi importante que la biodiversité! Car une langue est le reflet d'une idée du monde et un philosophe devrait comprendre ça. Et, pour le clin d'oeil, je reprendrais à mon compte une citation de Robespierre: « La plus extravagante idée qui peut naître dans la tête d’un politique est de croire qu’il suffise à un peuple d’entrer à mains armées chez un peuple étranger, pour lui faire adopter ses lois et sa constitution. Personne n’aime les missionnaires armés… ».
C'est bien ce que vous faites non? Vous entrez chez les gens et leur imposez votre vision uniformisée du monde. Vous êtes un guerrier de la pensée. Vous niez l'individu et son droit d'exister tel qu'il est.
Vous seriez révolutionnaire? Quel clown! Si c'est cela être révolutionnaire, alors je ne donne pas cher de notre planète. Je ne suis pas de cette révolution-là! Celle que vous adulez a troqué les nobles contre les bourgeois. Vous êtes moulé dans un conformisme ringard et avez peint la tolle en un camaïeu de rouge, noir et rose. Soit vous manquez d'imagination, soit vous êtes conditionné... plutôt problématique pour un "philosophe".
Gâgeons que ma prose ne vous arrivera jamais entre les mains et que, si c'était le cas, vous hausseriez les épaules en vous disant que je suis un jeune coq. Sans doute le suis-je, mais je déteste la fange intellectuelle et j'essaye, chaque jour qui passe, de faire en sorte que mes pattes ne pâtaugent pas dans le fumier! Difficile en France.
(1) y a deux peuples en France : L'un est la masse des citoyens, pure, simple, altérée de justice et amie de la Liberté: c'est ce peuple vertueux qui verse tout son sang pour fonder la République qui en impose aux ennemis du dedans et ébranle les trônes des tyrans. L'autre est ce ramassi d'ambitieux et d'intrigants, c'est ce peuple babillard, charlatan, articificieux, qui se montre partout, qui persécute le patriotisme, qui s'empare des tribunes et souvent des fonctions publiques ; qui abuse de l'instruction que les avantages de l'ancien régime lui ont donnée, pour tromper l'opinion publique ; c'est ce peuple de fripons, d'étrangers, de contre-révolutionnaires hypocrites, qui se place entre le peuple franças et ses représentants, pour tromper l'un et calomnier les autres, pour entraver leurs opérations, pour tourner contre le bien public les lois les plus utiles et les vérités les plus salutaires. (Robespierre, sur les ennemis de la Nation).
(2) « Domptons nos ennemis du dedans et ensuite marchons à tous les tyrans de la terre… » citation de Robespierre.