"SINGES ET PATATES DOUCES
Tout changement dans une société nécessite deux clés : la conscience et la masse critique. Des scientifiques japonais l’ont mis en évidence en observant des macaques locaux (macaca fuscata) à l'état sauvage, sur une période de 30 ans, sur l'île de Koshima. Les singes de Koshima n'avaient aucun contact avec les hommes et chaque semaine, des hélicoptères déversaient sur l'île des tonnes de nourriture - dont des patates douces, que les singes appréciaient comme des friandises. Par contre, ils aimaient moins la terre qui s'incrustait dans la peau des fruits à l'occasion de leur projection brutale sur le sol. Aussi passaient-ils beaucoup de temps à les éplucher avec leurs doigts. Jusqu'au jour où l'une d'entre eux (c'était une guenon) eut l'idée d'aller laver sa patate douce dans l'eau de mer proche. Un curieux phénomène s'est alors produit. Les observateurs notèrent que les premiers à suivre l'exemple de la guenon furent les jeunes singes - au fil des jours de plus en plus nombreux -, puis les autres femelles. Les vieux singes, rivés à leurs habitudes, se montraient les plus réticents et observaient ce manège avec force grimaces réprobatrices. À l'automne 1958, un certain nombre de singes de Koshima lavaient leurs patates douces - leur nombre exact demeure inconnu.
SAUT DE CONSCIENCE
Supposons que lorsque le soleil se leva un matin, il y avait 99 singes sur l'île de Koshima qui avaient appris à laver leurs patates douces. Supposons encore qu'un peu plus tard ce-matin là, un centième singe apprit à laver les patates. Alors, quelque chose d'étonnant se produisit ! Ce soir-là, presque tous les singes de la tribu se mirent à laver leurs patates douces avant de les manger. Un peu comme si l'énergie additionnelle de ce centième singe créait une sorte de “percée scientifique” ! Mais ce n'est pas tout : la chose la plus surprenante observée par ces scientifiques fut le fait que l'habitude de laver les patates douces se transmit de façon inexpliquée et simultanée à des colonies de singes habitant d'autres îles, ainsi qu'à la troupe de singes de Takasakiyama sur le continent, qui commencèrent aussi à laver leurs patates douces.
Cette expérience, qui fit l’objet de plusieurs articles dans la revue Primates (2:43-60, 6:1-30) et d’un livre (The Hundredth Monkey de Ken Keyes), te montre que pour qu'un changement s'opère, il faut en premier lieu un petit groupe de pionniers non coercitifs donnant l'exemple de l'accession à une conscience plus élevée. Dans un second temps, lorsque le nombre de ces pionniers atteint une masse critique, le changement devient soudainement une partie intégrante de la conscience de l'ensemble de la communauté. Au niveau individuel, c'est la prise de conscience qui est la clé. Au niveau collectif, c'est le nombre. Entre les deux, la masse critique est la solution. Le reste se fera naturellement. Chaque personne qui change est donc primordiale pour changer le monde car chacun d'entre nous peut être le 100e singe. Veux-tu en faire partie ?"
Le Jeu du Tao.