Pujadas / Plenel : la fracture journalistique

Petit billet énervé sur l’interview de Nicolas Sarkozy lundi soir, avec en creux une tentative d’analyse sur le journalisme…

Lundi soir, Nicolas Sarkozy, empétré dans l’affaire Woerth, qualifiée par nos confrères étrangers de Watergate français, s’exprimait face à David Pujadas, sur France 2.

Que ressort-il de l’interview ?

Tout simplement qu’il existe bel et bien dans ce pays deux conceptions fondamentalement opposées du journalisme. Deux conceptions diamétralement différentes. L’une, celle qu’a montré Pujadas hier soir, consiste à être impressionné par les apparats du pouvoir, à s’asseoir dans un fauteuil à l’Elysée, pour passer les plats et offrir une tribune complaisante au président de la République affaiblit. Elle consiste à ne jamais relancer l’inviter ou à dire des contre – vérités sur l’interpellation du président. Ainsi, par exemple sur les cinq minutes passées autour de l’Affaire Woerth, quand Nicolas Sarkozy a demandé violemment à Pujadas si son « nom avait été cité dans les visiteurs de Liliane Bettencourt », Pujadas hésitant a répondu non. Or cela est totalement faux. Mais peu importe finalement, puisque le président était content et que Pujadas pouvait ainsi passer à des sujets moins sensibles… Cette façon de faire du journalisme consiste aussi à faire des émissions de télé comme « les Infiltrés » en expliquant que l’on veut lever le voile sur des pratiques choquantes, mais ne pas le faire lorsque l’on interviewe le président de la République. En parler plus longtemps serait déjà faire trop d’honneur à ces journalistes qui avilissent le métier.

Et puis, il y a une autre conception de ce qu’est le journalisme. Celle brillamment défendue ces dernières semaines par Edwy Plenel et les équipes de Mediapart, mais aussi par des milliers de journalistes plus ou moins anonymes dans l’excercice quotidien de leur métier.. C’est-à-dire, un journalisme qui dérange, qui fouille, qui enquête et qui tente d’informer le citoyen. Une conception du journalisme comme un rouage essentiel de la démocratie. Un journalisme de combat, debout, qui œuvre pour apporter à la connaissance des citoyens les faits qui lui permettront de mieux appréhender la démocratie dans laquelle ils vivent. Ce journalisme comporte des risques, on peut se tromper ou déclencher l’ire du pouvoir (de Mitterrand à Chirac en passant par Sarkozy). Mais, c’est bel et bien, cette façon de faire qui grandit notre métier.

Il existe donc bien une fracture journalistique béante dans ce pays. Elle est désolante puisque finalement, ce qui ressortira est cette image de Pujadas laissant le Président s’exprimer sans aucune relance. C’est malheureusement cela le pouvoir des images… Désolant et révoltant.

Crédit Photo: Flickr, Marilane Borges