Les indemnités de départ en Suisse

Publié le 12 juillet 2010 par David Talerman

La France et la Suisse sont proches, mais possèdent des droits du travail très éloignés.

Pour illustrer cette affirmation, j'aimerais vous parler des indemnités de départ ou de licenciement. Ce billet devrait intéresser les personnes déjà en poste en Suisse, mais aussi les candidats étrangers qui veulent travailler en Suisse (cela leur permettra de mesure les importantes différences culturelles entre les 2 pays).

En France, les indemnités sont une institution. En Suisse, elles sont mal vues

En France, les indemnités de licenciement sont une véritable institution, et un passage quasi obligé pour tout employeur qui se sépare d'un collaborateur. Il y a tout d'abord les indemnités, qui sont prévues par la loi ou les conventions collectives, et qui fixent le nombre de mois d'indemnité dus par l'employeur en fonction de l'ancienneté de l'employé.

Et puis selon les circonstances du départ, on rajoutera les dommages et intérêts, qui peuvent s'élever à 6 mois, voire plus plus d'un an pour certains cas (notamment lorsqu'on juge que le licenciement est abusif). Pour un peu que l'employé saisisse les Prud'hommes (ce qui est assez courant), l'employeur sera plus enclin à céder.

Bref, les employeurs français doivent donc prévoir dans leur masse salariale ces indemnités, qui peuvent littéralement plomber les résultats. Du coup, selon moi, ces indemnités sont à l'origine de nombreux problèmes, dont :

- la limitation du niveau des salaires en France : plutôt que d'augmenter les salariés, les patrons préfèrent inclure dans leur masse salariale ces indemnités. Et par ailleurs, plus les salariés seront payés, plus ils coûteront chers en indemnités...

- la limitation de l'embauche : la masse salariale peut-être significativement engloutie par ces indemnités, donc certains patrons, et notamment les PME, limitent les embauches pour faire face à ce risque.

En Suisse, cela ne se passe pas tout à faire de la même manière. Tout d'abord, les indemnités de départ sont très rares. Et surtout, suivez ce conseil :

On ne négocie pas d'indemnités de départ en Suisse : c'est très mal vu, car la loi et les conventions collectives ne prévoient rien : vous n'avez aucune légitimité légale à aller dans ce sens, et surtout ce n'est pas du tout dans la culture.

Certes, il est possible de se faire licencier avec effet immédiat. Dans ce cas, vous partirez immédiatement, et parfois entouré de 2 molosses de la sécurité, et le temps de travail que vous auriez dû effectuer vous sera payé... dans certains cas seulement, et si vous n'avez pas commis de faute lourde.

Les indemnités de départ, un moyen de s'enrichir démesurément pour les salariés ?

En général, on considère que les relations employés / employeurs sont plutôt équilibrées en Suisse (ce qui n'est pas vrai dans tous les secteurs d'activité, j'en conviens). Des indemnités de départ démesurément élevées, comme c'est parfois le cas en France, seraient considérées comme un enrichissement disproportionné de l'employé au profit de l'entreprise. Cette phrase vous choque ? Il n'y a qu'à voir ce qui se passe en France : pour un salarié français ayant 2 ans d'ancienneté, les professionnels du droit pensent qu'il ne faut pas accepter moins de 6 mois de salaire brut... Ce qui correspondant à plusieurs années d'épargne pour des salariés "standard".

De mon point de vue, c'est un hold-up institutionnalisé, et le droit Suisse n'est fort heureusement pas tombé dans le panneau. Et c'est peut-être d'ailleurs aussi en partie pour cela que le niveau de salaire est plus élevé en Suisse.

Et pour finir mon illustration, ce mois-ci le magazine français "Mieux vivre votre argent" (qui est au passage un excellent magazine) consacre un dossier qui s'intitule "6 façons de s'enrichir". L'une de ces manières est clairement indiquée : "Licenciement : partez avec le maximum". Si les média s'en mêlent, on n'est pas sorti.

Et vous, qu'en pensez-vous ? Avez-vous été confronté à ce problème dans votre entreprise en Suisse ?

Recevez par mail directement tous les nouveaux billets du blog de Travailler en Suisse