Au cours de mes discussions avec des journalistes étrangers et surtout à New York, je me suis rendu compte que l'on se fait souvent une idée un peu superficielle de votre travail. D'autre part,
la propagande que nous avons faite aux Cahiers du cinéma était excellente pour la France, mais inadéquate pour l'Amérique, car trop intellectuelle. Depuis que je fais de la mise en scène, mon
admiration pour vous n'a point faibli, au contraire, elle s'est accrue et modifiée. J'ai vu cinq à six fois chacun de vos films, et je les regarde à présent davantage sous l'angle de la
fabrication. Beaucoup de cinéastes ont l'amour du cinéma, mais vous, vous avez l'amour de la pellicule et c'est de cela que je voudrais parler avec vous. Je souhaiterais que vous m'accordiez un
entretien au magnétophone qui se poursuivrait pendant une huitaine de jours et totaliserait une trentaine d'heures d'enregistrement, et cela dans le but d'en tirer non des articles, mais un livre
entier qui serait publié simultanément à New York et à Paris, puis par la suite probablement un peu partout dans le monde."
Cette lettre fut expédiée par François Truffaut à Alfred Hitchcock en avril 1962. Hitchcock accepta l'invitation, et se livra pendant une semaine à une série d'entretiens avec le réalisateur de La peau douce. Le résultat de ces rencontres fut publié en 1966, puis complété par François Truffaut en 1983, pour aboutir à cette édition définitive, qui constitue l'un des livres de cinéma les plus célèbres et les plus passionnants jamais publiés.
Grand admirateur du maître du suspense (bien que ce surnom accordé à Hitchcock me semble réducteur tant ses films sont riches autrement que par le suspense qu'ils distillent), Truffaut se livra à un entretien procédant de la dissection analytique de chacun des films du metteur en scène britannique, abordant aussi bien les aspects scénaristiques que purement techniques (le fameux zoom compensé dans Vertigo, notamment).
Trésor d'informations et d'analyses extrêmement pertinentes sur le travail de Hitchcock, cet ouvrage constitue depuis sa première parution en 1966 une véritable bible pour les cinéphiles et un livre sur lequel l'on revient constamment.
A posséder, impérativement.