C’était l’un des chevaux de bataille de Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle de 2007. Pour enrayer le déclin de la France, il fallait la rupture. Trois années plus tard, un sondage Ifop réalisé pour le Journal du Dimanche révèle que plus de sept Français sur dix estiment que la France est en déclin même si elle dispose de beaucoup d’atouts aux yeux de 79% d’entre eux.
Ce sentiment diffus et insaisissable de déclin est étroitement lié à une perte de confiance dans la capacité d’analyse de la situation mondiale par le pouvoir politique et d’en extrapoler une ligne de conduite, un cap.
Las, la pagaille qui règne au Château et le cabotage qui en découle vont à l’encontre de cette demande. Gouverner ce n’est pas sauver les meubles de petites affaires franco-françaises. L’écrivain Jean-Christophe Rufin a révélé au grand jour la crise de la diplomatie française. Dans les colonnes du Monde l’ex-ambassadeur de France à Dakar, renvoyé à la demande du président Abdoulaye Wade, affirme que “le Quai d’Orsay est aujourd’hui un ministère sinistré”.
La ligne de défense de Bernard Kouchner selon laquelle il ne s’agirait là que l’expression d’aigreur d’un ami déçu a volé en éclats avec l’intervention de deux anciens ministres des affaires étrangères. Alain Juppé et Hubert Védrine, dénoncent à leur tour l’affaiblissement du quai d’Orsay. Plus que cela, ils évoquent la destruction de l’outil diplomatique. Et comme si cela n’avait aucune importance, aucune déclaration de l’Elysée ou de Matignon n’est venue infirmer cette déclaration.
Ce dossier est révélateur des dysfonctionnements du mode de gouvernance Sarkozy. Lors de son arrivée à l’Elysée, Nicolas Sarkozy avait demandé à ces deux mêmes anciens ministres d’établir un rapport et un livre blanc qui étaient censés servir de base à une modernisation de la diplomatie française. Les recommandations sont restées dans les cartons mais les coupes sombres budgétaires (-20% en 25 ans) se sont multipliées et l’Elysée s’est substitué au Quai d’Orsay dans la conduite des affaires. Le vrai ministre des affaires étrangères, c’est sans qu’il s’en cache vraiment, le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant. “Un préfet qui n’a pas une connaissance particulière de l’Afrique” pointe M. Rufin.
Le sentiment de rétrécissement de la parole et de l’image de la France est partagé par les acteurs du réseau diplomatique condamnés à bricoler des actions culturelles avec des bouts de ficelles. En revanche, l’Etat ne mégotte pas sur le bling bling en allouant des moyens financiers conséquents à l’Audiovisuel extérieur français … dont les rênes ont été confiées à Christine Ockrent compagne du ministre des affaires étrangères pour un salaire insensé . Une relation incestueuse qui risque d’éclabousser une nouvelle fois l’exécutif et ternir l’image de la France à l’étranger.
Le sondage Ifop réalisé pour le JDD met en avant que 62% des personnes interrogées considèrent que la France “manque de confiance en elle”. Jusqu’à présent, les présidents de la Vème en situation délicate sur le plan des affaires intérieures ont toujours su trouver sur le terrain extérieur une bouffée d’oxygène en donnant à la France une place qui dépasse son statut réel de puissance moyenne vieillissante et en offrant un sentiment de fierté aux Français. Cette option est perdue. Les frasques de Nicolas Sarkozy et sa berlusconisation de mi-mandat ont durablement brouillé l’image de la présidence. Le roi soleil s’est mué en vizir pâlot.
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