Brosella 2010, day one (folk), Bruxelles, le 10 juillet 2010

Publié le 10 juillet 2010 par Concerts-Review

Le théâtre de Verdure, à deux pas de l'Atomium, accueille la 34è édition du festival Brosella, sous un soleil de plomb.
A 15h pile, Henri Vandenberghe vient annoncer le premier groupe qui jouera sur la Main Stage:
Derroll's Dream

Un projet en hommage à Derroll Adams, décédé il y a une dizaine d'années.
Son ami, Wiet Van de Leest (Rum, Madou, les Enfants de l'Yser...), a réuni +/- 20 artistes pour interpréter les oeuvres du plus belge des natifs d'Oregon.
Trois concerts sont prévus: Brosella, les Gentse Feesten et Dranouter...Un événement à ne pas manquer, donc!
Dany, l'épouse du regretté Derroll, prenant place au premier rang, dans l'assistance déjà nombreuse en ce début d'après-midi.
14 cordes (violons, violoncelles, contrebasse) prennent place au fond du podium. L'inévitable Roland, son chapeau et sa guitare à droite, à ses côtés le dirigeant, Wiet et son violon, ensuite la British folk legend, Maggie Holland, et son banjo (Hot Vultures, English Country Blues Band, Tiger Moth + 5 solo albums) et pas moins de six chanteuses formidables: Vera Coomans (Madou, Rum...) - Kaat Arnaert, soeur de Geike/ Hooverphonic ( Tommigun, Sutrastore...)- Lady Angelina sans sa boîte à chagrins-la radieuse Soetkin Baptist ( Ishtar) - Anu Junnonen (aNoo, the Screaming Bitches...) et Anja Kowalski, qui jouera également de la guitare ( Wolke, Flat Earth Society...).
Grâce et talent sont au rendez-vous.
Un traditionnel Alice in Wonderland: 'Mr Rabbit' une chorale sublime et des arrangements baroques. Audacieux et magique.
' Columbus Stockade' encore un traditional, au répertoire de Derroll ( qui a modifié les lyrics originaux), mais aussi de Doc Watson, Willie Nelson ou Woody Guthrie.
'The valley' le chef- d'oeuvre du banjoman. Wiet a concocté une version symphonique mélodramatique et majestueuse.
Prémonitoire également....dripping rain they'll start a-falling...
Une première train song: '900 miles'. Sobre et profond : 2 guitares, un banjo et un duo vocal signé Van Campenhout/Kowalski.
Le poétique 'The Mountain' , un fingerpicking tout en finesse du barbu.
Vera annonce 'Moonshine Moon', un titre écrit par son fils Thomas Devos (Tommigun). Un gospel poignant.
Une ballade folk ancestrale, originaire des Appalaches: 'Pretty Saro' : un chant choral, un banjo et des frissons dans le dos.
'The Sky' voit Wiet nous rappeler les années 60: la rue des Bouchers( pas encore attrape-touristes), le café 'Welkom' et Derroll jouant pour les clients du bruine kroeg. Nostalgie, quand tu nous tiens.
Une romance pudique au final amplifié par les cordes.
'Muleskinner Blues' un country blues allègre, yoddlin cowgirls en folie.
La berceuse nostalgique 'Memories', suivie de la classique railroad song: 'Freight Train Blues'.
Du bluegrass à chanter sous la lune argentée' My Dixie Darling' .
Une 'Lovesong' tendre, signée Donovan et un titre écrit par un pote, Tucker Zimmerman: 'Oregon', une road song t'amenant à traverser les States, baluchon sur le dos.
Les six madames te donnant à nouveau la chair de poule.

Wiet nous annonce la dernière, on savait tous que 'Portland Town' allait suivre. L' élégante version Vivaldi valait le déplacement à elle seule.
Les chanteuses se taisent, une bande passe la chanson nue, interprétée par Derroll Adams, impossible de retenir tes larmes, l'émotion est à son comble.
Il reste quelques minutes pour un bis: 'The Valley', rebelote, zegt Van de Leest.
Au pas de course vers la Royal Palm Stage pour: Renato Borghetti Quartet

En route pour le Rio Grande do Sul au Brésil, à la rencontre de gauchos pas gauchers:
Renato Borghetti: gaita ponto(= accordéon diatonique) - Daniel Sa: guitare - Vitor Peixoto: piano - Pedro Figueiredo: flûte et sax soprano.
Folk? Pas vraiment: de la world, à forte connotation latin jazz, jouée par des virtuoses.
Ils ont mis Bruxelles à genoux et quand ils reviendront, probablement en mars à Muziekpublique, selon la délicieuse Sabina Schebrak, leur agent en Europe, il y aura foule.
'Barra do Ribeiro' sur le Cd ' Gaita Ponto' (2004), c'est là, à la confluence de l'arroio Ribeiro avec le fleuve Guaiba, qu'est situé le ranch de Renato.
L'accordéon gambade au rythme du cours d'eau, la guitare est sèche et fière, le piano sobre et le sax coulant. C'est vachement sensuel et entraînant.
'Passo Fundo' sur le dernier né 'Fandango' , démarre en musette lusophone, vire flamenco vivace pour s'enflammer et exploser en gaucho jazz syncopé.
'Ferrao de Marimbodo' petit tango pas Chinois et flûte virevoltante. Les quatre caballeros de l'apocalypse se payant, chacun, un petit solo crapuleux.
JPRock, à mes côtés, trépigne de plaisir, il est pas le seul.
Y a pas que le rock dans la vie, philosophe-t-il.
T'as raison, Uylenspiegel!
Un duel tragico-comique et passionné, accordéon/ guitare: 'O sem vergonha' .

Des gladiateurs sud-américains!
Vitor et Pedro, rappliquent pour se joindre à la fiesta colorée.
Le mélancolique 'Cumplicidade' , une milonga chaloupée.
'Redomona' nouvelle musette de la Pampa, endiablée, ça tire dans tous les sens.
Un dangereux pistolero, Señor de Sa Leite.
Une dernière: 'Sao Jorge', pièce lyrique, enregistrée en 1991. Soudain, le piano sautille, flûte et guitare s'envolent, c'est parti pour un mouvement vivace et primesautier. Nouveau break: gros solo de Pedro, style Herbie Mann, incroyable maîtrise!
Je passe le témoin au piano.
Un doigté d'une pureté Fryderyck Chopin.
Bien, petit, lui dit Renato, à nous maintenant: la guitare et l'accordéon rappliquent et Brosella vibre.
Prestation lumineuse!
Comme bis: 'Laçador' écrit par Alegre Correa, ultime chevauchée aux frontières de l'Argentine et de l'Uruguay.
Le Rio Grande compte deux célébrités: Gisele Bündchen et sa plastique, Renato Borghetti et son gaita ponton!

Impasse sur The Shin, faut boire par ces t° caniculaires recommande la faculté...
Julie Fowlis
A peine la trentaine, héritière et chantre de la culture gaélique.
La ravissante et réservée écossaise (île de North Uist dans les Hébrides extérieures) aura charmé tous les amateurs de musique celtique traditionnelle.
Une voix d'une pureté inaltérée, une grâce sans apprêts et un band maîtrisant, à fond: reels, jigs, ballads ou autres variantes du Ceol Mor.
Bouzouki:Eamon Doorley, conjoint de la madame - fiddle: Duncan Chrisholm- Tony Byrne: guitare and, of course, Julie Fowlis: gazouillis et thin whistles ( shepherd's pipes, si tu préfères).
'M' fhearann saidhbhir'(sur l'album 'Uam'), dur à prononcer, non... = my land is rich, nous explique la plaisante demoiselle. Captivée, Bruxelles, plonge dans ce bain gaélique, apaisant et bienfaiteur.
'Ceolas' même fraîcheur et limpidité.
Next one is a tragical tale, une chanson d'amour triste ancestrale, originaire des Hébrides : 'A Chatrion' Òg' (Young Catriona). Même si tu piges que dalle, l'émotion te gagne. Un voisin me glisse, cette jeune dame pourrait te chanter la recette du waterzooi en gaélique et tu serais encore ému par cette pristine voice (dixit Elly Roberts).
'Brògan ùr agam a-nochd' (= j'ai de nouvelles chaussures ce soir), et ces godasses neuves vont l'emmener au bal, car la mélodie est rythmée et invite à la danse.
Bruxelles bat la mesure.
'Blackbird', des Beatles, devient 'Lon Dubh' , ce merle noir siffle pareil dans tous les idiomes.

'Turas san Lochmor' violon en goguette pour cette composition nerveuse.
'Four Irish Tunes' :une suite énergique.
Dancing time sous l'Atomium.
Pas des manchots, nos gaillards.
A working song, 'The Spinning song'. Une Jenny Hargreaves, face au rouet, chantant tout en filant le lin.
Une suite de Scottish tunes, le thin whistle sonnant cornemuse des Highlands.
Les pieds nickelés, qui, il y a une 1/2h, imploraient ' assis là-devant', se sont redressés pour entamer un Scottish Lilt sans kilt.
Ambiance à Osseghem, manquait que la Stout!
La suivante est originaire de Bretagne ('Je suis né au milieu de la mer' ou 'Me zo ganet é kreiz ar mor', au répertoire d'Alan Stivell).
Quelle voix, mes aïeux!
Le rythmé ' Bonaid' sera suivi d'une dernière série de Scottish tunes ('Tunes into Puirt') : reels, jigs et marches gaillardes.
Le ciel fuit, un nuage gris laisse échapper de fines gouttes sur les crânes, garnis ou glabres, des festivaliers communiant avec les bardes gaéliques.
Dernières notes et immense ovation.

Ces cris ont fait éclater les cieux et, l'orage vicieux s'abat sur le Théâtre de Verdure.
Des trombes d'eau, Brosella est noyé, en courant tu regagnes ton arche, amarrée à 300 mètres, et tu oublies: Ialma, les Tisserands et Orion pour rejoindre ton accueillant logis et sa gente maîtresse.