Hier sur le Tour de France, Lance Armstrong a vécu une sale journée. Deux chutes d’abord (dont une à vive allure), puis cette incapacité à suivre les meilleurs dans le dans le joli mais dur petit col de la Ramaz, où il a pris une première minute sur le groupe des favoris.
Ensuite, entre le Praz de Lys et Les Gets, il s’est retrouvé ralenti par une autre chute alors que devant, les Astana accéléraient. Bilan, l’américain a flanché, et probablement autant moralement que physiquement. A l’arrivée à Avoriaz, c’est avec 11′ de débours que le septuple vainqueur de la Grande Boucle a franchi la ligne !
Avec ces faits, basiques, quelques éléments d ‘analyse.
Premier élément: l’équipe Radioschack, que l’on annonçait dominante et forte, s’effiloche pour le moment à chaque difficulté: seul Levi Leipheimer est encore en course pour le général et Klöden semble être très poussif. Quant à Brajkovic, il s’est sacrifié pour Lance. A l’inverse, Astana, censée avoir été pillée de ses meilleurs éléments, a hier « vissé » et montré un visage assez séduisant, avec notamment l’éternel Vinokourov qui, quelles que soient ses casseroles que nous ne nieront pas, est un sacré coureur talentueux sachant se faire bien mal à la gueule.
Deuxième élément: Lance Armstrong est objectivement beaucoup moins fort qu’avant. Il faisait hier un peu son âgé (36 ans). La pédalée était moins souple, les épaules étaient un peu plus dodelinantes, signes quand même que c’était dur pour lui. souvenez-vous pourtant ses anciens tours, comment il assommait ses rivaux dans les arrivées en altitude, emmené par un train (US Postal, Discovery…) . Cette époque est révolue. Heureusement, l’américain est très loin d’être pathétique, comme d’autres sportifs faisant un come-back on pu l’être (Jordan, Spitz, Borg…).
Troisième élément: il a lâché mentalement. Ce point est le plus surprenant tant on connaît la mentalité de gagneur du Texan. Souvenez-vous sur les pavés comment il s’était accroché seul d’abord, puis avec l’aide de Popovych. Hier, non, il a décroché et c’est peut-être le plus inquiétant pour l’américain, ça ne lui ressemble tout simplement pas et ce mental était pour beaucoup dans ses succès.
Quatrième élément: le fait que Armstrong soit irrémédiablement lâché pour le général va donner à la course un schéma nouveau, très intéressant. Lance va-t-il aider son coéquipier Leipheimer ? On sait qu’il sait admirablement bien le faire (il a fait gagner de nombreuses courses à ses coéquipiers et des belles, comme le Dauphiné), alors va-t-il le faire aujourd’hui ? Ou sinon, et ce serait beaucoup plus intéressant, va-t-il désormais jouer une victoire d’étape, ce qui donnerait au Tour 2010 un aspect tout à fait séduisant… Armstrong est probablement le coureur ayant la meilleure maîtrise tactique du peloton, va-t-il l’exploiter avec panache ? Espérons-le !
Cinquième élément: la liberté de l’Américain peut-être un élément nouveau, le facteur X, dans la bagarre des cadors pour le maillot jaune (Schleck, Contador, Evans…). On imagine mal l’américain aider Contador, alors qu’on le voit bien rouler et faire rouler son équipe pour l’enterrer si ce dernier a un coup de moins bien. Hier, Schleck et Contador on roulé pour éliminier définitivement l’américain, et ce dernier l’a perfidement mentionné dans ses interviews aux média; on attend le retour de baton, qui arrivera c’est sûr, et il pourrait faire mal…
Sixième et dernier élément: Armstrong, qui est un grand cycliste, saura-t-il être un grand champion ? En d’autres termes, saura-t-il, dans la défaite, se comporter avec dignité et classe ? Le Armstrong ultra-dominateur n’était ni sympathique ni juste avec les autre coureurs, à la différence d’un Indurain en 1996 ou d’un Jalabert sur la Vuelta 1995 (cf l’épisode avec l’allemand Dietz). Désormais, sur ce Tour 2010, espérons qu’Armstrong aura d’abord l’élégance de poursuivre sa route et de terminer, par respect pour l’épreuve qui lui a tout donné, et ensuite qu’il fera la course à fond, car il peut réellement encore influencer ce Tour et ainsi, enchanter les spectateurs et téléspectateurs.
Oui, nous avons appris beaucoup de choses hier, et en espérons tout autant pour les jours qui viennent.
François