Le gouvernement affirme faire des « efforts » pour assainir les finances publiques. Ce n’est pas l’avis des sénateurs, qui dénoncent artifices et faux-semblants.
Le gouvernement est-il crédible quand il affirme haut et fort son projet de réduire les déficits ? Non, répond en substance la commission du Sénat dans un rapport présenté mercredi 7 juillet à la presse. Certes les sénateurs ne le disent pas comme ça. Le ton est mesuré, le vocabulaire choisi. Mais au-delà des euphémismes, la charge est rude et l’ironie, mordante.
Le premier ministre François Fillon et son ministre du Budget, François Baroin, ont annoncé leur objectif de faire passer le déficit public annuel de 8 % du PIB à 3 % d’ici trois ans. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, n’y croit pas : « Le gouvernement tient un double langage : il affirme une volonté de rigueur, ou en tout cas d’efforts, il fétichise l’objectif de 3% en 2013 et ne s’en donne pas véritablement les moyens. Ces à peu près ne sont plus possibles. Nous allons finir par être sanctionnés très lourdement. ». Sous entendu : par les marchés qui nous prêtent de l’argent.
Pourquoi ce scepticisme ? D’abord parce que le gouvernement table sur une croissance à 2,5 %, d’où il devrait tirer des recettes de 40 milliards. Des prévisions qui paraissent « assez optimistes », voire « hasardeuses » à Philippe Marini : « L’ensemble des économistes, la communauté européenne, le FMI, parlent d’une croissance potentielle, ces prochaines années, à 2%. Ce qui n’est même pas certain. La France est le pays de la zone euro dont l’écart entre ces deux valeurs [le chiffre des économistes et les prévisions gouvernementales, ndlr] est le plus élevé. » Difficile, dans ces conditions, d’être crédibles vis-à-vis de nos partenaires et des institutions financières. La commission des finances, elle, prévoit des recettes comprises entre 10 et 15 milliards.
Décidément très « optimiste », le gouvernement estime en outre que les dépenses d’allocations chômage vont baisser – l’effet de sa relance ? – et que celles des collectivités vont augmenter à un rythme moindre (1 % au lieu de 3 %). « Cette hypothèse ne repose sur rien », observe Philippe Marini.
Seul élément d’espoir : la baisse de l’euro, qui, si elle se confirme, donnera un coup d’oxygène à nos entreprises exportatrices. Mais impossible d’obtenir la moindre étude d’impact officielle à ce propos. « Le gouvernement a sur le sujet la pudeur d’une vierge effarouchée », note le rapporteur général
Et la Lolf ? On nous avait présenté la Loi organique relative aux lois de finances comme la panacée qui enfin allait permettre la rigueur, la croissance, la relance. Grâce notamment aux indicateurs de performance, qui étaient l’essence même de cette loi. Las ! « Cette mécanique tourne sur elle-même, regrette Philippe Marini, car ces indicateurs ne sont pas utilisés. Or il faut que l’effort soit d’autant plus important que l’indicateur est mauvais. A quoi sert la Lolf si on n’impose d’indicateurs à personne ? »
Il va donc falloir prendre le taureau par les cornes. C’est-à-dire faire des économies. On regrettera que la commission des finances, à côté de mesures utiles – cesser le saupoudrage des subventions aux associations, appliquer la RGPP à la Sécurité sociale (lui faire faire des économies de fonctionnement), ne pas indexer les pensions de retraites de l’Etat -, propose aussi des « baisses de dépenses fiscales », autrement dit des hausses d’impôts, et une augmentation de la TVA et de la CRDS. Pas plus que le gouvernement, les sénateurs n’entendent toucher au périmètre de l’Etat.
Une chose est sûre : le double langage, les artifices du gouvernement, ne pourront durer éternellement. Ils pourront peut-être tromper les Français un temps, en tout cas les moins avertis d’entre eux, mais pas les marchés ni les agences de notation. Et quoiqu’on pense de ces derniers, nous dépendons des uns pour financer nos folies dépensières et des autres pour fixer le taux de nos emprunts. « C’est la fin de l’illusionnisme, souligne Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat. Nous sommes sous l’œil des marchés. Si l’on veut échapper à ses créanciers, mieux vaudrait ne pas se mettre en situation de dépendre d’eux ».
Charles-Henri d’Andigné