« Les deux périodes de la Publicité
PREMIÈRE PERIODE
C’est la forme de la publicité qui suggère instantanément. Elle agit, dans ce cas, directement sur l’acheteur, et directement de l’acheteur au vendeur, autrement dit, à l’Annonceur, sans relais, sans intermédiaires et son action est immédiate.
Nous l’appellerons : Publicité suggestive et directe à effet immédiat.
Dans ce cas, l’acte déterminatif et terminatif, l’acte d’achat par conséquent, se produit dès la publicité vue et lue. C’est le propre de la publicité écrite, lorsqu’elle est conçue en vue de déterminer l’acte d’achat à distance, par correspondance. C’est la base même de toutes les entreprises qui se livrent à la vente par la poste, ce que les Américains nomment « Selling by Mail », ou bien encore « Mail order Business », et que nous pouvons appeler vente par correspondance.
C’est aussi la route la plus courte, mais par laquelle on ne franchira qu’une distance restreinte, car elle se perd, à un certain endroit, après s’être rétrécie au point de ne plus être qu’un sentier.
Expliquons-nous : l’Annonceur qui se livrera à la venté par correspondance et qui utilisera, pour ce but, la publicité, doit provoquer, à chacune dés manifestations qu’il en fera, un sentiment de curiosité, d’abord, d’intérêt ensuite, pour obliger l’acheteur possible à se révéler. Non pas qu’il ait oblitéré chez celui-ci les facultés d’appréciation ou que son libre arbitre soit suspendu, mais simplement parce qu’au moment où la chose sera annoncée, une quantité x de personnes seront en disposition de s’y intéresser. C’est par la force des expressions, la précision des descriptions et l’allure éminemment persuasive de la publicité qu’un tel résultat pourra être atteint.
Cette forme de publicité — suggestive et directe — offre l’énorme avantage d’une action très rapide, et c’est pourquoi, nous l’appelons « à effet immédiat ».
C’est, malheureusement, celle dont le rayonnement est le plus faible. Il faut, sous cette forme et dans cette période, que les effets soient véritablement instantanés, car elle ne s’accommode pas de plans longuement concertés et dont le résultat sera attendu pendant des temps indéterminés. Il faut qu’elle se suffise à elle-même, en ce qui concerne les dépenses comparées avec les recettes, dans un délai très rapide. C’est, en quelque sorte, une publicité à éclipse, et qui n’a pas à compter avec le
temps. Nous comparerons volontiers cette publicité à un feu d’artifice. Quand on tire le feu d’artifice, on est sûr de le faire admirer par un public plus ou moins nombreux, mais qui est,
essentiellement, le public de ce jour-là, ou, plutôt, de ce soir-là. Il ne saurait venir à l’idée du pyrotechnicien d’en tirer un semblable tous les huit jours, pour les mêmes habitants d’une
même ville. Ils y viendraient en nombre moins grand à chaque exhibition, et ils finiraient par n’y plus venir du tout, si bien que le feu d’artifice finirait par ne se tirer que pour les étoiles. Mais il est certain que le même feu d’artifice, tiré aujourd’hui dans une localité, avec une grande affluence de populaire, se tirerait avec un succès pareil, dans une autre ville, où l’on n’en aurait pas vu depuis quelque temps.
La publicité suggestive, directe et à effet immédiat, est ce feu d’artifice. C’est à l’Annonceur — le pyrotechnicien dans l’espèce — à le rendre si brillant, à le composer de pièces si rutilantes, si éclatantes, si originales, qu’il plaise à tous les yeux et qu’on en revienne ébloui, c’est-à-dire décidé à l’achat.
La répétition.
Aux premiers âges de la publicité, en France, on a donné corps à un principe qui passa, pendant de longues années, pour un axiome. Nous voulons parler du principe de la répétition régulière delà publicité et, plus particulièrement, des annonces. Sans doute, à l’époque où on le formula, la publicité n’avait pas encore pris place parmi les sciences commerciales et, comme l’on faisait alors fort peu de publicité, l’application de ce principe ne présentait pas les dangers qu’on doit lui reconnaître aujourd’hui. En ce temps-là, il suffisait de placer deux lignes hebdomadairement dans un quotidien répandu, pour en tirer de notables profits. On faisait donc de la publicité un peu comme un aveugle disserterait des couleurs, sans y rien connaître. Et, par conséquent, le rendement proportionnel de la publicité étant beaucoup plus élevé qu’aujourd’hui, les Annonceurs de ce temps-là trouvaient encore, dans une fréquente répétition, des bénéfices suffisants pour la justifier. Ils avaient peut-être raison pour leur temps; ils auraient complètement tort aujourd’hui : la culture
d’un terrain épuisé doit s’écarter de la routine pratiquée dans l’exploitation d’un terrain neuf.
Mais le principe est demeuré vivace, par la force de l’habitude probablement, et voici ce que nous avons lu dans un journal français :
Première annonce : le lecteur ne la voit pas.
Deuxième insertion de l’annonce : il la voit, mais il ne la lit pas.
Troisième insertion : il la lit.
Quatrième insertion : le lecteur regarde le prix de l’article.
Cinquième insertion : il prend l’adresse.
Sixième insertion : il en parle à sa femme.
Septième insertion : il se décide à l’achat.
Huitième insertion : il achète.
Neuvième insertion : il signale l’article et l’annonce à ses amis.
Dixième insertion : les amis en parlent à leurs femmes.
Onzième insertion: etc., etc.
Tout cela, pour soutenir et démontrer qu’il faut qu’une annonce ait paru au moins dix fois pour donner ses pleins effets.
De même que dix mille Anglais se sont jetés dans la Tamise pour n’avoir pas joué atout au bridge, d’innombrables Annonceurs se sont littéralement mis sur la paille pour avoir cru à cette MALFAISANTE MÉTHODE DE PUBLICITÉ. Il suffit d’en décomposer les termes pour en reconnaître la parfaite absurdité.
1° Pourquoi le lecteur ne voit-il pas l’annonce la première fois qu’elle paraît? Parce qu’il n’a pas l’habitude de la voir? Mais, au contraire, la moindre psychologie nous apprend qu’il la verra
d’autant mieux qu’il ne l’a pas encore vue, qu’il ne la connaît pas;
2° Si le lecteur n’a pas vu la première annonce, quelles raisons peut-on trouver pour qu’il la voie là seconde fois? Sait-il que c’est la seconde fois qu’elle paraît, puisqu’il ne l’a pas aperçue à sa première insertion ?
3° Pourquoi, le lecteur ayant enfin vu l’annonce, ne la lit-il pas? Sans doute parce qu’elle ne l’intéresse pas, car on lit – on parcourt au moins — toute chose susceptible d’un intérêt quelconque ;
4° Mais pourquoi le lecteur, à la troisième apparition de l’annonce, la lit-il, si elle ne l’intéresse pas ? Il ne devrait pas la lire, au contraire, puisqu’il l’a déjà vue et qu’elle n’a éveillé en . lui aucun sentiment, ni de curiosité, ni d’intérêt ;
5° Et alors, si, enfin, le lecteur indolent a consenti à lire l’annonce la troisième fois, ce qui tend à démontrer que son attention est attirée sur elle, pourquoi attend-il la quatrième insertion pour savoir quelle est la dépense qu’il devra faire pour acquérir la chose annoncée?
Nous pourrions poursuivre la tâche facile de rétorquer, les uns après les autres, ces PRINCIPES DÉRAISONNABLES, et demander pourquoi, quand le lecteur s’est décidé à acheter, il attend
l’apparition suivante de l’annonce pour faire l’emplette. Il se peut encore que ce lecteur ne soit pas marié ou qu’il soit veuf, auquel cas tout le travail de la publicité devient stérile, puisqu’il ne peut en parler à sa femme. Et si ce lecteur c’est, précisément, une femme, en parlera-t-elle à son-mari? Ce n’est pas la même chose. Et si cette femme n’est pas mariée? A qui en parlera-t-elle? A son amant? Et si elle n’en a pas, pis encore, si elle en a plusieurs ?
Nous voici en plein chaos. Mais il suffit de nous rappeler ce que nous enseigne l’étude psychologique des phénomènes de l’attention, pour nous ressaisir et pour nous trouver en état
de nier l’exactitude, même approximative, de ce principe suranné. La publicité, dans ses effets, a horreur du déjà vu, qu’il s’agisse d’annonces, d’affiches, ou de tous autres produits de l’imprimerie. »
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Source :
Titre : Traité pratique de publicité commerciale et industrielle. Le mécanisme de la publicité avec diverses applications / D. C. A. Hémet,… ; avec une préface de Emile Gautier
Auteur : Hemet, D.C.A (1866-1916)
Éditeur : « la Publicité » (Paris)
Date d’édition : 1922
Contributeur : Gautier, Émile (1852-1937). Préfacier
Contributeur : Angé, Louis. Éditeur scientifique
Type : monographie imprimée
Langue : Français
Format : 2 t. en 1 vol. (XXIX-250, 298 p.) : ill. ; in-8
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