En 1972, deux journalistes du Washington Post, Carl Bernstein et Bob Woodward, débutent une enquête journalistique qui devait aboutir, deux ans plus tard, à la démission du Président des États-Unis. Depuis, de façon récurrente, des journalistes rêvent d’obtenir une notoriété équivalente de la même façon. C’est ainsi que l’objectif de la chute d’un homme politique ou connu est devenu une sorte de TOC journalistique. Malheureusement, cette pratique crée des dégâts collatéraux insoutenables. Que l’on se rappelle les « affaires » P. Bérégovoy, DSK, J. Dray, D. Baudis, les « accusés » d’Outreau, et d’autres. Toutes affaires dans lesquelles la réputation, l’avenir, la vie d’un homme ont été mis en danger sans aucun scrupule. Et, lorsque des critiques s’élèvent sur de telles pratiques, immédiatement la corporation journalistique, unanime, s’indigne que l’on ose telles critiques au nom de la liberté d’expression de la presse et des médias et déploie le drapeau de l’atteinte à la démocratie. La presse se présente comme un contre-pouvoir au pouvoir politique, mais qui ne supporte aucun contre-pouvoir à son propre pouvoir. Ce faisant, elle se substitue à la Justice, seul contre-pouvoir légitime au pouvoir politique. Il y a plus grave. En effet, un certain nombre de médias, présents sur Internet, se servent des informations qui remontent de leurs lecteurs de terrain. Certes, nous disent-ils, toutes précautions sont prises pour ne pas construire une information sur des rumeurs. Mais, lorsque l’on examine les commentaires qui accompagnent les articles en lignes de ces médias, on ne peut qu’être consterné par l’absolue médiocrité, vulgarité, violence, qui suinte de ces écrits où le « tous pourris » est l’ingrédient de base. Et l’on est, à juste titre, très inquiets devant le risque que les « informations de terrain » dont se servent ces médias soient de la même eau. Lorsque le discours journalistique utilise des expressions telles que « tout le monde sait » ou « tout le monde connaît », on est déjà dans le domaine de la rumeur. Lorsque l’on est animé d’une aversion quasi-physique pour un homme politique, il est à craindre que l’on se laisse aller à accepter et à diffuser des approximations hâtives. Cela ne s’appelle plus du journalisme. Une démocratie a besoin d’une presse libre avec de véritables journalistes d’investigation. Malheureusement, cette race de journalistes est en voie d’extinction. La remplacer par les ragots qui remontent par Internet permet peut-être de trouver une solution rapide de remplacement, mais cette façon de faire est contraire à toute déontologie. Une démocratie a besoin d’une presse libre. C’est pourquoi on ne peut pas se passer de Médiapart, mais on peut se passer de Mr. Edwy Plenel.