L'automne. Que savons-nous sur cette saison qui annonce l'aurore du temps des neiges? Nous nous en faisons sûrement tous une idée, mais nous la ressentons très peu. Chaque année, nous sommes hantés par l'angoisse de la nouvelle année qui s'amorce. Nouveau plan de travail, nouveaux horaires, nouveaux professeurs, nouveau stress. À peine l'automne a-t-elle eu le temps de faire son entrée qu'elle passe tout de suite sous l'ombre de l'inattention. Enfermés dans les salles de classe, à la bibliothèque, dans la grande salle, ou encore à la maison en train d'étudier pour l'examen du lendemain, nous traversons pour beaucoup d'entre nous des saisons que j'appellerais ''hybrides''. À la fois attirés par la beauté des couleurs des feuilles arrivant à la fin de leurs jours et recrutés par notre travail académique, nous oublions souvent qu'il est aussi possible de faire germer des réflexions cognitives tout en contemplant de concert la joliesse des feuilles qui fânent. Mais nous préférons procrastiner; nous remettons tout à plus tard, le boulot l'emporte sur le contemplatif. L'automne nous file entre les doigts et l'hiver venu, nous implorons le retour des jours ensoleillés et chauds. Décidément, nous vivons dans une société qui a les mots flash, clip, instantané, provisoire et vitessepour slogan. Si la permanence et la contemplation ne font pas partie de notre constitution sociale, elles inspirent tout de même des artistes. Au cours des dernières semaines du mois de septembre, des étudiants en arts de Brébeuf exposaient leurs créations dans le couloir du pavillon E, non loin du carrefour. En errant un jour dans cette section du collège,je portai mon attention sur l'oeuvre de Kéva Martin et d'Anthony Martino-Maurice. Au premier abord, l'oeuvre ne me parlait pas. Elle ne consistait pour moi qu'en un simple assemblage de cordes et de tiges de bois au coeur duquel une ampoule 100 watts servait d'éclairage et de centre de gravité à l'objet. Or, la visée des deux artistes avait en fait pour but de représenter, de conceptualiser un haïku. Un haïku est en fait un poème japonais de trois vers et de dix-sept syllabes faisant allusion à un thème de saison. Anthony et Kéva ont travaillé sur l'haïku suivant :
La nuit est sans fin – je pense à ce qui viendra dans dix mille ans.
Pour moi, le lien qui unit l'haïku à l'oeuvre est émotionnel et sensoriel. À chacun de former sa propre interprétation à partir de sa perception des matériaux dont est faite l'oeuvre. En élargissant notre interprétation de cet art dans un cadre plus général, je dirais que la vie, c'est comme l'art. Il faut aussi savoir se distancier de ses préocuppations routinières pour se tourner vers la contemplation de la nature qui renferme des réalités splendides inusitées.