L'art de cracher son mot librement

Publié le 30 novembre 2009 par Gregorykudish
 La versification, les décors, le langage et l'intrigue, séparément, ne font pas la qualité d'une pièce de théâtre. C'est plutôt l'agencement judicieux de ces quatre éléments(beaux en soi ou non), et leur intégration harmonieuse sur scène, qui confèrent à la pièce un esprit. Et cet esprit, c'est ce qui permet au spectateur de savoir si, globalement, il a apprécié la pièce. Car les mots du jargon québécois, les costumes populaires, et les simples décors sont, à eux seuls, vides de tout sens. La beauté est faite de liaisons astucieuses.
Je crois qu'il est important de prendre du recul par rapport à nos préjugés artistiques. Il y a eu un temps où, personnellement, j'associais le mot théâtre à Molière, Corneille, et Racine. Un peu plus tard dans mes études, les noms de Beaumarchais, Ionesco, Eric-Emmanuel Schmitt, Jarry, Goethe, et Michel Tremblay se sont ajoutés aux trois premiers. J'avais peut-être acquis une bonne culture générale, mais je raisonnais toujours dans un paradigme assez rigide, délimité par mes cours de littérature, et trop limitatif.
Or, il faudrait parfois se rappeler que le théâtre, ça sert d'abord à être joué. Et le jeu, ce n'est pas uniquement une transposition de l'écriture sur scène. Un bon dramaturge devrait, à mon avis, maîtriser suffisamment bien l'art de l'écriture pour donner un souffle à sa pièce, et être en même temps un écrivain modeste de sorte que son écriture imparfaite le convainque de la nécessité d'écrire une pièce dans l'optique d'être jouée.
Et je crois qu'Yvan Bienvenue partage mon opinion.
Toute la beauté de Contes urbains réside dans sa simplicité. Les acteurs paraissent ridicules et brillants, grossiers et orateurs, comédiens et confrères. Caroline Tanguay, par son jeu d'actrice pétillement burlesque, sait rapprocher le spectateur de la scène. J'habite au coin des rues Beaubien et Bordeaux, et je suis une chienne. À la fois grossières et vraies, les paroles de ce personnage ne peuvent garder le spectateur dans un état d'indifférence. La réalité est parfois banale, mais tournez-la dans le bon sens et elle se transforme en Oscar. Je pense qu'une manière de bien exprimer la réalité, c'est de ne pas avoir peur de cracher son mot librement. Et les six teneurs de soliloques de Contes urbains 2009 ont très bien su assurer cette fonction.