Paris. Esplanade de la Défense.
Festival de Jazz de la Défense.
Samedi 26 juin 2010. 20h.
La photographie de Brian Blade est l'oeuvre du Romantique Juan Carlos HERNANDEZ.
Les noms des lauréats du Concours de Jazz de la Défense ont été annoncés en début de soirée.Ce concours récompense les jeunes espoirs du Jazz français depuis 1977. Le trompettiste Eric Le Lann fit partie des premiers lauréats.
Voici ceux de 2010:
Composition
2e prix:
Sébastien Palisse, accordéoniste du groupe " Papanosh "pour le titre " Papanosh ".
1er prix:
Yoann Durand, saxophoniste du groupe " Irène "pour le titre " S "
Instruments
3e prix:
Adrien Daoud, saxophoniste ténor
2e prix:
Thibault Dufoy, pianiste
1er prix:
Benoît Lavollée, vibraphoniste, marimbiste
Groupes
3e prix:
Lunatic Toys
2e prix:
Papanosh
1er prix:
Irène
Il faudra suivre les heureux lauréats pour s'assurer qu'ils sont dignes de la confiance placée en eux.
Première partie
Rabih Abou Khalil: oud
Joachim Kuhn: piano, saxophone alto
?: batterie
Ce concert m'a tellement ennuyé voire agacé qu'à partir du troisème morceau je me suis replongé dans la lecture du " Journal inutile . 1968 - 1972 " de Paul Morand. C'est très méchant, comme livre.
Deuxième partie
Wayne Shorter: saxophones ténor, soprano
Danilo Perez: piano
John Patitucci: contrebasse
Brian Blade: batterie
Après le Purgatoire, le Paradis. Le quartet de Wayne Shorter entre en action. La magie du son est là dès les premières notes. La rythmique pulse et Wayne plane rendant le temps élastique. Une expérience de physique musicale. Il fait très chaud et sec ce soir à Paris. Pas de problème pour un concert en plein air à 22h. Quel doux balancement. L'art de vous emmener dans des pays où l'on n'arrive jamais. Une mère tient sa fille de 5 ans (à vue d'oeil) entre se sjambes; même coupe de cheveux, mêmes lunettes, même nez, même attention à la musique. La musique s'agite, devient plus libre. C'est un désordre organisé, ressenti et millimétré. Le quartet monte en puissance. Attention au décollage! Ca redescend en vagues par courants et contre courants. " C'est un peu expérimental " dit une jeune fille qui découvre cette musique manifestement. Nous sommes assis, debout sur l'esplanade Charles de Gaulle à la Défense. Il y a du peuple et de la joie. Au tour de la rythmique de partir. Piano aérien, gros son souple de la contrebasse qui vibre dans le ventre; Le batteur place ses hachures avec délice. Wayne nous surprend dans ses boucles de mage. 77 ans et il envoie toujours. Le groupe sait faire vibrer la foule. Il y a du métier.
Intro du batteur. Le piano dialogue avec lui. Cela fait chute d'eau. Au tour du contrebassiste de dialoguer avec le batteur en douceur. Le chant du saxophone ténor s'élève au milieu des tours de la Défense. Cette musique si urbaine, sophistiquées coule de source. Ca swingue grave, viril et actif. Puis ça se décale, devient du beau bizarre, bref du Wayne Shorter. Ils alternent des airs d'apparence simple, presque sifflables et des moments d'évasion hors des sentiers battus. Nous ne sommes ni perdus ni en terrain connu. Wayne est passé au chant d'oiseau du soprano. C'est magique, mystique, érotique, rythmique, mélodique bref du Grand Jazz. Tiens, une petite citation d'un standard " There will never be another You " au soprano. Il le hache menu, le reviste de fond en comble, l'abandonne. Ils nous emmènent loin mais le public suit. Très beau dialogue entre les cordes sous l'archet et le tapotis des tambours sous les maillets. Ca part en vrille entre le soprano qui perce et le batteur qui frappe. Certains spectateurs s'enfuient, effrayés par tant de liberté. Retour à un air plus simple du moins en apparence. Les apparences sont trompeuses. Wayne Shorter a le visage bleu sous les projecteurs. C'est dire si cet homme respire le Blues et expire des Blue Notes.
De ses 8 années chez Miles Davis (1963-1970), Wayne a retenu divers trucs dont celui d'enchaîner les morceaux sans attendre la fin des applaudissements pour ne jamais relâcher la pression et assurer la mise en place du groupe à l'abri des mains des spectateurs. Une sorte de ballade aérienne s'élève. Les Dieux se mettent au rythme de la musique et un vent doux se lève sur la Défense. Le batteur, barman de sons (Jean Cocteau), est aux balais. Il distille ses effets. Retour au soprano. Quelles volutes! Ca devient sautillant, swinguant, joyeux mais toujours avec cet art du décalage propre aux grands boxeurs et aux grands jazzmen. La frappe vous surprend toujours. Derrière le chef qui s'envole, la rythmique pousse fort. Ca devient vite énorme. Des jeunes gens de 20 ans restent debouts scotchés par l'énergie d'un homme de 77 ans. Wayne Shorter ne joue pas de la musique de grand-père, c'est clair. Après une brève phase calme, ça repart sur une grosse impulsion de la contrebasse ponctuée par la batterie et les cris du soprano. Il me semble reconnaître " Joy Rider " un album qui figurait dans la discothèque de mon père quand j'ai eu l'âge de découvrir le Jazz.
Rappel
Une ballade pour calmer le public un peu chaud. Au soprano. Je déguste, je savoure et je vous laisse là, lecteurs attentifs, lectrices curieuses.
Au festival de Jazz de la Défense, tous les concerts sont gratuits. Merci au Conseil général des Hauts de Seine de faire si bon usage des deniers publics.