Paris. Le Sunside. Lundi 5 juillet 2010. 21h.
La photographie de Miguel Zenon est l'oeuvre du Puissant Juan Carlos HERNANDEZ.
Miguel Zenon : saxophone alto
Luis Perdromo : piano
Hans Glawischnig : contrebasse
Henry Cole : batterie
Ca commence sur un air de ballade. Curieux. Habituellement un groupe chauffe la salle avant de la rafraîchir. Contrebasse et batterie installent un tempo latino marqué. Le piano vient ajouter des grandes vagues profondes. Le son léger, acide du sax alto s’élève au dessus. Ca swingue efficacement sans être simple. Ca monte, descend, bifurque. C’est chaud mais sans épate, sans esbroufe. Non ce n’est pas une ballade. Miguel Zenon joue tout en maîtrise et en tension. Il danse sur place, faisant participer tout son corps à la musique. Pour l’instant, c’est impressionnant mais pas émouvant. Tout se calme avec la rythmique toujours vive mais dont le volume sonore baisse. Le pianiste se promène, faisant rouler ses doigts. Beau duel piano/batterie arbitré par la contrebasse. Batteur et contrebassiste vous remuent les entrailles alors que le pianiste vous fait perdre la tête. Un petit retour au calme mais la tension sous jacente refait vite surface. C’était « Biyaqoque " ( ?).
Intro en solo de saxo. Le Porto Ricain Miguel Zenon possède un des plus beaux sons de sax alto actuellement avec le Breton Pierrick Pédron. Pédron+Zénon ce serait beau comme l’Antique. Un rythme bien latino, haché. Ces gars là ne lâchent pas prise. C’est chaud, tendu, vif, nerveux même quand le sax joue cool au dessus. La musique est sous influence latino mais ce n’est pas de la salsa pour danseurs. C’est plus compliqué que ça. Miguel Zenon garde une anche en bouche. Pour l’assouplir ? Comme substitut à la cigarette ? La rythmique déménage sévère, nous embarque. Le piano cite un truc dans son solo. Ca ressemble à une chanson de Prince au ralenti. Laquelle ? A moins que je ne me trompe. Ca joue moins vite, moins fort mais toujours vif, tendu. C’est un quartet de boxeurs, toujours aux aguets, gérant les temps forts et les temps faibles. Temps fort ; Ca s’énerve franchement. Ce n’est pas encore l’assaut final. Retour au calme pour un petit air latino tranquille ; C’était « Esta Plena » titre éponyme du dernier album du quartet. La Plena est un genre de musique portoricain que Miguel Zenon met en relation avec le Jazz.
« Perfumo de gardenas » du compositeur porto ricain Rafael Hernandez. Ca balance comme un hamac sous les alizés. Ca sent la Mer des Caraïbes, douceur et âpreté. Le batteur joue des mains sur ses tambours pendant le solo de contrebasse. Il est étonnant qu’il n’y ait pas de percussionniste dans ce groupe si marqué par la musique des Antilles hispaniques. Très gros son de la contrebasse amplifiée qui vibre dans le ventre. Ce jardin sent les gardénias, des odeurs chaudes et moites comme une serre tropicale. Je sens des ondes me traverser le corps. La mécanique ondulatoire prend forme sensible. Impressionnant. Mais pas émouvant, je le maintiens.
Le batteur redémarre en force. Il faudrait écouter cette musique en plein air, dans un jardin en bord de mer pour mieux supporter cette débauche d’énergie. Jeu plus calme, plus souple mais toujours tendu, sur le fil du rasoir. Ils vous emmènent mais je ne sais pas où car cette musique ne me suscite ni image, ni couleur. Une beauté abstraite, éthérée, c’est bien dommage pour du Jazz latino. Solo de batterie poussé dru et ferme par les trois autres musiciens. Montée vers une apogée percussive. Petit air latino en interlude.
PAUSE
Je suis parti à la pause, épuisé par une musique qui ne relâche jamais la tension, toujours sur le fil du rasoir. Puisse le zélé Miguel Zenon apprendre de Zénon d’Elée l’art de la dialectique, du paradoxe et à varier les plaisirs pour l’auditeur.