Archi et BD, la ville dessinée (2)

Publié le 12 juillet 2010 par Onarretetout

Il sera question des villes dessinées. La BD est née dans la ville. La BD raconte ce que les hommes et les femmes vivent. Elle montre les habitations, les maisons donc, et leurs regroupements. Et, comme le dessin permet de s’affranchir de certaines données réalistes, on peut y voir des enfants plus grands que des immeubles, des tours qui penchent, des constructions qui s’imbriquent les unes dans les autres. On peut y lire des mots qu’on n’entendrait pas ou qu’on entendrait trop. Tout est question de graphisme. Une phrase commencée au pied d’un immeuble peut se terminer au sommet d’un autre. La vitesse du déplacement est sans rapport avec la vitesse de la parole. La lecture, le mouvement des yeux d’une case à une autre sur la page dessinée font vivre les rues, les habitations, les monuments et les personnages.

Les architectes dessinent aussi. Ils imaginent les gens qui vont vivre ici et les représentent dans leurs activités. Certains projets se lisent comme des BD.

Je me souviens avoir visité le Château de Cheverny, qui a servi de modèle à Hergé pour Moulinsart. On trouve des traces du Paris d’hier (ou de New York ou de Tokyo) dans les planches de BD. Mais il n’y a pas que de la nostalgie : dessiner c’est non seulement croquer sur le vif, c’est aussi imaginer ce qui vient, villes tentaculaires, nœuds de routes, circulations à tous les niveaux (sur terre, sous terre, dans les airs, au fond de l’eau). Les prouesses architecturales sollicitent le dessinateur, le bédéiste provoque l’œil de l’architecte, de l’urbaniste. L’architecte construit un musée pour Tintin.

La ville est un livre d’histoires, une trame narrative. L’immeuble est une page de bande dessinée. Imaginez, avec Fred (et d’autres sans doute), que le personnage vit dans sa case ; comment entre-t-il en relation avec les autres, comment passe-t-il dans la case voisine ? Little Nemo se perd sur les toits de la ville et dans les méandres de ses rêves. Rien n’arrête les super-héros des mégalopoles. Adèle Blanc-Sec déambule, Lucien fait visiter sa banlieue…

L’exposition se regarde, on s’y promène comme dans une avenue dessinée, on peut feuilleter des écrans, des albums, se déplacer au moyen d’un joystick, assister à une création graphique, traîner dans les cases, du début du XXe siècle à aujourd’hui. Et faire des découvertes à chaque coin de rue, comme les commentaires dessinés de Reiser à propos d’une maison ronde de l’architecte Mario Botta.


Exposition visible à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine, Palais de Chaillot (Paris) jusqu'au 28 novembre 2010.