Dans une interview donnée récemment à notre quotidien sportif national, le président de la Ligue de football professionnel, Frédéric Thiriez, s'indignait de l'état des stades en
France. Difficile de lui donner tort lorsque l'on compare avec la plupart de nos voisins européens, où des enceintes comme celles d'Ajaccio et de Bastia, équipes évoluant il n'y a
pas si longtemps en Ligue 1, ne seraient même pas jugées dignes d'accueillir un match amateur. En revanche, en entendant sa définition du stade moderne, "lieu de vie" polyvalent,
l'habitué des gradins a les oreilles qui sifflent. Modernité, confort, fonctionnalité, d'accord… Mais s'il s'agit de transformer le stade et ses abords en gigantesque parc d'attraction, dont le
but premier est d'essorer le cochon de spectateur-payeur, la perspective n'est guère enthousiasmante.
Prenons l'exemple de Paris, aussi habile à tirer des larmes à ses supporters qu'à leur vider les poches. Il fut un temps, pas si
lointain, où les seuls concessions à la société de consommation tenaient en deux ou trois annonces par match, crachotés par les hauts parleurs du Parc des Princes. Le speaker y vantait les mérites
du "Fromage des Vignottes, doux, crémeux et onctueux" ou invitait le spectateur à rendre visite à "Jean Charles automobiles, concessionnaire porte de Saint-Cloud". Aujourd'hui,
non content d'assommer la concurrence avec des places dont le prix ne reflète plus depuis belle lurette les performances de l'équipe, le PSG inflige lors de chaque rencontre à domicile un véritable
lavage de cerveau à ses supporters.
L'habitué doit subir sur les écrangs géants des spots publicitaires à n'en plus finir, diffusés en boucle avec un niveau sonore pire que dans un
hypermarché. Quand le chauffeur de salle prend la parole, c'est pour vous répéter de ne surtout pas oublier d'aller faire un tour par la boutique du club, pour acheter le maillot
"vintage" ou une énième babiole numérotée sur le ton "Dépêchez-vous, y'en aura pas pour tout le monde !" Evidemment, si vous souhaitez boire ou manger un morceau, ça vous coûte un
bras et si, fatigué d'un tel harcèlement, vous préférez encore rester assis à votre place à la mi-temps, on vous martèle le nom du généreux sponsor, qui vous permet d'assister au challenge de foot
organisé sur le terrain pendant la pause. Sans oublier, toujours et encore, les écrans géants et leurs pubs, qui avec un peu de chance finissent de vous lobotomiser…
À ce stade du racket, on touche à le perfection et même le plus paisible des pères de famille a envie de joindre sa voix à celle des
Ultras, fatigués du foot business et du marketing à outrance. Mais à voir la frénésie avec laquelle certains habitués des kops se jettent en début de saison sur le nouveau maillot en
"fibre gibolinique respirante" barré en grosse lettre du nom d'un improbable sponsor, on se dit que le combat sera long, s'il n'est déjà perdu…