Nicolas Sarkozy va parler lundi 12 juillet. Il redira sans doute une fois de plus tout son mépris pour les journalistes qui osent faire leur travail en toute indépendance et ne pas se contenter du brouet servi par la com’ de l’Elysée. A travers l’invraisemblable déchaînement des “chiens de garde” de la garde prétorienne de Nicolas Sarkozy contre Mediapart et Edwy Plenel, c’est toute la profession et la liberté de la presse qui sont menacées.
Museler la presse a été de tout temps la tentation des pouvoirs liberticides quand ils furent aux abois. Il n’est que de se souvenir que ce fut, entre autres décisions aussi contestables, la promulgation le 25 juillet 1830 par Charles X d’une ordonnance suspendant la liberté de la presse qui mit le feu aux poudres en suscitant une vive protestation des journalistes de l’opposition dès le 26 juillet qui fut en grande partie responsable du mouvement insurrectionnel des 27, 28 et 29 juillet 1830, plus connu sous le nom des «Trois glorieuses» qui obligèrent Charles X à s’enfuir.
Il est à craindre que Nicolas Sarkozy ne s’inspirât tout simplement de la loi de son grand ami Berlusconi visant à museler les médias sur toutes les affaires sensibles qui ne manquent pas dans la Péninsule et particulièrement celles qui le touchent directement ou ses amis affairistes. Drôle «d’air de famille» ! qui ne doit rien à Cédric Klapisch mais beaucoup à la “famiglia” sur fond d’omerta. Silence ! On trafique…
«Loi bâillon», selon ses détracteurs qui interdirait la retranscription des écoutes téléphoniques pratiquées dans les enquêtes de police et punirait d’une peine pouvant aller jusqu’à deux mois de prison et 464.700 euros d’amende tout média qui en publierait le contenu, écrit, audio ou vidéo. «négation du droit des citoyens à l’information» pour «La Repubblica», principal journal d’opposition.
En entendant il y a trois jours sur BFM/tv parler de la «journée du silence» organisée par tous les journalistes – presse écrite, radio et télévision, presse en ligne - je n’ai pu m’empêcher de faire le parallèle avec ce qui se passe actuellement en France : l’attaque en règle de l’UMP contre la presse et – surtout ! – Mediapart qui est à l’origine de la plupart des révélations de «l ’Affaire» dont je ne sais plus s’il la faut nommer Bettencourt, Woerth, voire Sarkozy… Je suis d’ailleurs surprise par le peu d’écho dans la presse sur la grève des journalistes italiens. Du moins, ce que j’ai exploré sur Google-Actualité. Si ce n’est un article des Echos du 9 juillet 2010 Les médias italiens en grève pour leur liberté d’expression.
Au fond, ce ne serait pas une si mauvaise chose : je ne sais si vous parvenez à suivre le fil des événements, mais avec - au moins ! - un ou deux rebondissements tous les jours depuis 3 semaines et toutes les polémiques qui font rage, cela devient plus qu’épuisant ! En suivre le fil au jour le jour relève de la pure gageure. Je me suis souventes fois couchée sur une dernière information déjà bien croustillante pour être réveillée avec une ou deux autres. Qui les corroborent ou les démentent. Partir ensuite à la recherche des articles. Vrai travail à temps complet assorti de nombreuses heures sup’. Un comble pour une retraitée !
C’est entendu, je ne pars pas en vacances mais nonobstant la canicule qui nous abat littéralement – seul remède connu depuis 1976 : des douches chaudes répétées à longueur de nuit et des orgies de lait froid - et quelques éclaircies avec le Tour de France, j’aimerais bien pouvoir écrire tranquillement, avoir un peu de temps pour moi et aussi me reposer. Toutefois et bien évidemment, je plaisantais : du Diable si je souhaite jamais que Nicolas Sarkozy muselât la presse, ce qui est déjà une tentation permanente chez lui !
Je fus d’ailleurs suffisamment outrée en apprenant que le chef de l’Etat avait tenté – heureusement sans succès - de faire pression sur Eric Fottorino pour que Le Monde ne soit pas repris par le «trio Bergé-Niel-Pigasse». Trop à gauche à son (mauvais) goût.
Or, sachant que Xavier Niel est actionnaire de Mediapart, il me semblait évident depuis le 8 juillet que le déchaînement - d’une violence inouie – des attaques de l’UMP contre ce site et Edwy Plenel, outre la colère contre les révélations de l’ex-comptable de Liliane Bettencourt qui accusait Eric Woerth et même Nicolas Sarkozy d’avoir reçu des fonds – notamment - pour le financement de la campagne présidentielle relevait de la vengeance contre ce véritable crise de lèse-majesté.
Or, dépouillant soigneusement les articles sur le sujet, je tombe sur un fort intéressant article du Figaro (8 juillet 2010) L’UMP dénonce les «méthodes» de Mediapart. Jean-Baptiste Barat le dit sans ambages : «Frédéric Lefebvre a fustigé «un site aux méthodes inqualifiables financé par un riche homme d’affaires». Il vise sans le citer Xavier Niel, vice-président du groupe de télécommunications Iliad. C’est un nouveau tir de barrage contre le fondateur du fournisseur d’accès à Internet Free, associé à Matthieu Pigasse et à Pierre Bergé dans une opération de refinancement du quotidien Le Monde , que l’Élysée ne voyait pas d’un bon œil». CQFD.
J’avais arrêté ma chronique à la démission des ministres Joyandet et Blanc dimanche dernier ainsi qu’aux polémiques, aboiements et jappements suscités par les critiques – fort justifiées de Ségolène Royal : «système-Sarkozy corrompu» et Martine Aubry : «La République abîmée» par trois ans de sarkozysme et aux dernières révélations de Mediapart sur l’interrogatoire de Claire T. – on n’avait pas encore lâché son nom en pâture – et son interview par le journaliste de Mediapart.
Suscitant les réactions outrées d’Eric Woerth et de Nicolas Sarkozy. Le premier s’étranglant quasi de rage et le second prenant une mine pincée sinon franchement dégoûtée en plissant du nez. Risible ! d’autant que la mine du chef de l’Etat - jaune façon ictère - n’augurait guère d’une forme olympique.
Frédéric Lefebvre en profite pour tacler une nouvelle fois Martine Aubry et Ségolène Royal «Deux femmes qui ont été “biberonnées” au système Mitterrand. Elles officiaient dans les cabinets à l’époque où les fonds secrets étaient la règle». Air connu Cela faisait partie des fameux «éléments de langage» fournis par l’Elysée pour allumer Ségolène Royal qui accusait le 29 juin 2010 un “système Sarkozy corrompu” (NouvelObs du 30 juin 2010). Quant à Nadine Morano, elle frise franchement le ridicule le plus total à moins qu’elle n’ai sombré dans la paranoïa : elle voit dans un appel de Ségolène Royal paru – en 2007 ! - sur le site de Désirs d’avenir à s’abonner à Mediapart – «au nom du pluralisme des médias» rien moins que la «preuve de la “machination” contre Eric Woerth» !
Je conjure Nadine Morano d’arrêter de fumer la moquette ou se relever la nuit pour boire sinon elle risque de finir avec un entonnoir sur la tête. J’ai beau ne pas manquer d’imagination - en 2007 au demeurant je ne connaissais même pas l’existence d’Eric Woerth ! - jamais je n’aurais envisagé un scénario tel qu’il s’écrit chaque jour devant nos yeux effarés. Quant à Mediapart je n’ai découvert cet excellent site que l’an dernier à l’occasion du déballage sur le karachigate.
Trop délire : Edwy Plenel créant Mediapart entre 2007 et 2008 avec en tête l’idée qu’il serait en première ligne pour faire chuter Eric Woerth – devenu depuis “ministre des retraites” - sur une affaire d’enregistrements audio pirates dans un litige au départ strictement familial entre Liliane Bettencourt et Françoise Bettencourt-Meyers qu’il avait dû forcément subodorer dès la disparition d’André Bettencourt en 2007. Chapeau l’artiste !
Avec de tels dons d’anticipation si jamais elle était victime du prochain remaniement ministériel, Nadine Morano pourra toujours postuler pour remplacer Paulo le Poulpe qui jusqu’à présent ne s’est pas trompé sur l’issue des matches du Mondial et prédit que l’Espagne devrait remporter la finale dimanche soir. Elle pourrait ainsi prédire à Nicolas Sarkozy qui se réjouirait «d’être sorti de cette affaire» s’il se fait ou non des illusions… A mon avis, il est loin d’être sorti de l’auberge ! D’autres révélations aussi croustillantes risquant de lui tomber encore sur le pif. Nous n’avons pas fini de voir l’Elysée et la garde rapprochée de Sarko donner de la voix.
Déjà, les attaques contre Ségolène Royal et plus tard Martine Aubry étaient particulièrement violentes. Que dire de celles qui se déchaînent aujourd’hui contre Mediapart et Edwy Plenel ! Je lis un article du Figaro (8 juillet 2010) dont le titre Bettencourt : pour l’Élysée, «la vérité est rétablie» témoigne à l’envi que Nicolas Sarkozy et Claude Guéant – dont il reprend la déclaration - n’ont pas pris bonne mesure du caractère très peu durable de leur très petite victoire : la prétendue rétractation de Claire Thibout… qui aurait dénoncé «la romance de Mediapart» (Le Figaro du 8 juillet 2010).
J’entendais vendredi sur BFM/tv son avocat, M° Antoine Gillot, qui dénonçait déjà le 8 juillet 2010 – flash-info du Figaro - “l’ acharnement” du parquet - ce que soulignait par ailleurs Edwy Plenel – 5 auditions pour un simple témoin ! traitée quasi comme si elle était la coupable de toutes ces turpitudes : j’ai lu que la police l’aurait retrouvée en fliquant son portable ! – dire en substance avec le ton de la colère à peine retenue que sa cliente n’aurait en fait rien démenti… Encore une fois : qui croire ?
J’aurais plutôt tendance à croire M° Gillot que M° Kiejman, avocat de Liliane Bettencourt. Notamment au vu des derniers rebondissements de cette affaire, avec la divulgation et l’analyse par Marianne2 Exclusif: les «carnets Bettencourt» enfin révélés dans Marianne (article de Laurent Neumann du 9 juillet 2010) d’un des carnets de comptes tenus par Claire Thibout – le plus important : l’année 2007 qui témoigne à l’évidence de mouvements de fonds très importants de janvier à avril 2007 ; les quatre derniers mois de la campagne présidentielle – «ce ne sont pas moins de 388.000 euros (sinon 563.000 euros selon certaines sources) ont été sortis en liquide du compte BNP des Bettencourt. Difficile de n’y voir que le fruit du hasard».
Bien évidemment M° Georges Kiejman est dans son rôle quand il essaie de déstabiliser un des témoins clef de la partie adverse – la fille de Liliane Bettencourt, représentée par M° Olivier Metzner. Est-ce pour autant une raison de se conduire en parfait goujat doublé d’un imbécile ? Je dis bien goujat car au sujet des carnets de caisse – qui semblent tout à fait bien tenus sur le plan comptable – de Claire Thibout, il ose parler de «carnets de cuisine» ce qui témoigne d’un mépris sans nom. Macho et con à la fois, sont des mots qui vont bien ensemble.
Il ne craint nullement d’ajouter que l’ex-comptable «blessée d’avoir été licenciée par la milliardaire est en train de péter un câble au nom d’un combat mystico-social» ajoutant qu’il y aurait même lieu de «s’interroger sur la crédibilité d’une ancienne employée qui a volé des documents pour les livrer à la fille de Liliane Bettencourt qui elle-même les a remis à la police». La faire passer pour quasi folle, hein ?
Cette fable du vol a fait long feu à en croire un article déjà ancien (28 juin 2010) de Karl Laske dans Libération Claire T., témoin sous pression et selon lequel «la comptable a restitué tous les documents en sa possession, et parmi les plus sensibles, à son départ en décembre 2008 : déclarations de Bettencourt à l’ISF, activité de ses comptes bancaires – dont un ouvert en Suisse chez USB – et enfin ces cahiers de caisse, tenus par année répertoriant toutes les sorties de fonds en liquide (…) en présence de Mme G. secrétaire particulière, qui les coche sur une liste de deux pages, qu’elle contresigne (…) La clé du coffre BNP est restituée à l’un des avocats de Bettencourt»,
Cette liste aurait d’ailleurs été transmise aux enquêteurs de la BRDP (brigade de répression de la délinquance contre la personne) la semaine précédent l’article. M° Gillot pouvait donc s’indigner à bon droit de la plainte pour vol de documents «qui lui ont été restitués» déposée par Liliane Bettencourt à l’encontre de son ex-comptable : «Je n’ai pas l’intention de laisser salir ma cliente. Elle n’a strictement rien volé. J’y vois malheureusement la volonté de la déstabiliser à quelques jours de son témoignage au procès de François-Marie Banier».
De fait, les raisons de son licenciement en décembre 2008 tiennent en peu de mots : «dans le courant 2008, elle est entendue dans le cadre de l’enquête ouverte pour «abus de faiblesse» contre le photographe François-Marie Banier. Et elle parle. De l’état de santé chaotique de la milliardaire et des pressions incessantes exercées par Banier».
Je pense de surcroît que Claire Thibout fait peur au clan Bettencourt et notamment à Patrice de Maistre, PDG de Clymène. Car M° Gillot la présente comme «une petite dame qui ne s’en laisse pas compter» et même «une barre de fer», ajoutant qu’ayant travaillé 12 ans auprès des Bettencourt, elle en saurait sans doute bien plus que Maistre sur l’argent personnel de la milliardaire.
Je lis de surcroît dans ce même article de Libération - décidément une belle mine d’or ! - un fait dont j’avais le vague souvenir mais sans lui avoir attaché une importance considérable à l’époque où les enregistrements pirates de l’ancien majordome de Liliane Bettencourt commençaient à défrayer la presse – y compris (déjà !) La Tribune de Genève le 17 juin 2010 Scandale: le maître d’hôtel avait mis la milliardaire sur écoute, l’article de Bernard Bridel étant certainement le meilleur et plus complet sur ce sujet - car tout simplement l’ex-comptable ne semblait pas être alors un témoin aussi capital.
A savoir que «l’informaticien qui a transféré ces enregistrements sur des cédérom – remis à Françoise Bettencourt-Meyers à l’appui de sa plainte contre le photographe François-Maire Banier - se trouve être le mari de la comptable licenciée». Dans le cadre de la procédure engagée par M° Kiejman au nom de Liliane Bettencourt pour «atteinte à la vie privée», mais aussi pour «vol», «abus de confiance» et «faux témoignages» Claire Thibout avait été placée en garde à vue les 18 et 19 juin 2010.
Faux témoignage ? Si c’est dans le cadre de la procédure engagée par Françoise Bettencourt-Meyers contre Banier, il pousse le bouchon un peu loin, le Kiejman ! J’ai beau savoir que tous les moyens sont bons pour faire chuter un adversaire, il y a quand même certaines limites que les avocats devraient respecter.
Mais est-ce bien surprenant ? Kiejman est d’abord un aveugle parfait doublé d’un sourd non moins idéal : «Ils ont des yeux mais ne voient pas, des oreilles mais n’entendent pas». Il est tellement sûr de son fait qu’il ne craint pas d’assurer contre toutes les vérités dévoilées par une foule de preuves non négligeables que «rien n’établit que l’héritière de l’Oréal fasse du financement politique illégal». Je ne sais pas ce qu’il lui faut mais c’est quand même ce qui ressort de la masse d’articles que j’ai dépouillés depuis plusieurs jours.
En outre, je l’ai vu sur BFM/tv traiter Edwy Plenel de «pseudo journaliste trosko-stalinien» – ce qui au demeurant est un pur contre-sens historique et politique, les troskystes étant antistaliniens par essence ! – avec un ricanement et un sourire méprisant sur son vilain museau “chat-fouine”…
Il reprend tout simplement l’argumentaire essentiel de l’Elysée dont la stratégie est parfaitement disséquée dans Marianne par Emmanuel Lévy Affaire Bettencourt : anatomie de la défense de l’Elysée (9 juillet 2010) : «Disqualification du site Mediapart, enfumage sur les contradictions de Claire Thibout, enquête sous contrôle : ce sont les trois points de la stratégie développée par l’Elysée dans l’affaire Woerth-Bettencour» annonce le chapeau de l’article.
Nous savons que le tir nourri est orchestré depuis l’Elysée espérant «gagner la bataille de communication» contre Mediapart : «l’UMP a reçu ordre de «taper comme un sourd» sur Mediapart. Xavier Bertrand, Frédéric Lefebvre et Dominique Paillé ont donc multiplié les déclarations d’indignation» (Le Figaro).
Il restera à prouver que ces accusations plus fantaisistes les unes que les autres : l’opposition faisant le jeu du FN, Mediapart journal fasciste, etc. seront reçues par l’opinion publique lors même que les cotes de popularité de Nicolas Sarkozy (32 %) et François Fillon (40 %) accuseraient plutôt une chute. Eric Woerth serait paraît-il alpiniste : une corde de rappel qui étrangle – autrement que de colère – celui qui l’utilise, cela s’est déjà vu !
N’attendons rien des enquêtes prétendues «indépendantes». Celle de l’IGF – dépendantes de Bercy ! et qui a même pris du retard – non plus que celles diligentées par Philippe Courroye (de transmission ?) procureur de Nanterre et fort ami de Nicolas Sarkozy.