J'ai suffisamment parlé d'Onani Master Kurosawa sur ce blog pour en finir avec le sujet pendant au moins un bon moment à l'occasion de la fin de la traduction française réalisé avec mes 2 acolytes de la nonametrad. Une page se tourne. Virtuelle pour une grande part certes mais aussi belle et bien réelle en ce qui me concerne. L'occasion de tirer un bilan intéressant de l'expérience mais également de la rédécouverte du manga en lui même.
Faites de la trad !
Après 32 épisodes de YGOTAS et OMK, une chose m'apparaît désormais certaine : Faire de la trad, c'est le bien messieurs dames ! Sérieusement. Ca demande de s'accrocher, c'est parfois prise de tête, c'est bouffeur de temps mais l'expérience vaut définitivement la chandelle pour peu que l'on soit fan de l'œuvre à laquelle on s'attaque. Car disons le tout de suite, si vous n'êtes pas un tant soit peu bien pris par le truc et si vous n'avez pas spécialement de temps libre, vos chances d'arriver au bout tout en produisant un truc de qualité sont aussi grandes que celles de voir un jour OMK édité en France. C'est toujours possible mais il y a des moments où il faut savoir arrêter de rêver. Mais si ces 2 conditions sont réunies, n'hésitez pas une seconde à vous lancer dans l'aventure et à former/rejoindre une guild... équipe de traduction.
D'abord, il vous faudra trouver l'œuvre. Soyons clair, c'est la partie la plus simple et la plus compliquée. Simple car une fois que c'est fait, vous n'y reviendrez plus mais compliquée car c'est surtout une question d'occasion. La nonametrad s'est formée uniquement pour traduire OMK et nous n'avons aucune idée de ce qu'on fera par la suite car l'œuvre choisie doit avant tout être sacrément motivante pour tout le monde. A titre personnel, j'ai choisi YGOTAS et OMK car ce sont des productions d'une telle qualité que j'estime qu'elles méritent une version accessible en français et que cela n'arrivera probablement jamais de façon « officielle » car ce sont toutes les 2 des œuvres amateurs. Dans le cas d'OMK se trouvait aussi la problématique de la double traduction, notre version est une traduction française de ce qui était déjà une traduction anglaise de la version originale. Mais la qualité de cette première traduction en elle même justifie à mon sens de pouvoir passer outre cet écueil.
Petite nonametrad restera petite.
En ce qui concerne nonametrad, je dois avouer qu'on a plutôt eu de la chance car l'équipe a su se former très rapidement. 3 personnes seulement et, à mon sens, un bon équilibre : 2 traducteurs et 1 correcteur. Pourquoi pas plus ? Eh bien d'une part parce que contrairement à ce qu'on pourrait penser ça ne fait pas avancer le boulot plus vite car les chances d'être en attente d'un autre décuplent et en matière de trad, se prendre un « time out » peut vite être fatal. Une absence suffit rapidement à retarder sérieusement voir à faire échouer complément une sortie. De plus, nous ne sommes pas voisins de paliers, via Internet c'est impossible de botter le cul de quelqu'un. Une autre raison est, à mon sens, qu'une trad doit avoir la « patte » de ses traducteurs/correcteurs. Or si une équipe s'y met à plusieurs, on tombe alors sur un gros problème d'harmonisation. Chacun ayant son style, cela oblige à un travail supplémentaire et pour le correcteur, à une plus grande source de différentes erreurs possibles..Bien sûr, dans notre cas, avec 2 traducteurs, la question s'est aussi posé mais c'est assez naturellement qu'on s'est mis d'accord sur la « ligne de traduction » que nous allions suivre : pas de chan/kun/tan, un français « parlé », un niveau de langage plutôt élevé pour Kurosawa,… .
Un autre souci du travail collaboratif est de déterminer une procédure de travail. Qui fait quoi ? Quand ? Comment ? Qui décide ? Ce sont des questions basiques mais tout bon travail de groupe nécessite de poser les règles du jeu dès le départ. Ce qui a été notre cas, les décisions se prenaient globalement dans le consensus (Zoneur a su faire un très bon Salomon parfois, Pso et moi-même ayant eu chacun notre moitié de gosse) et chacun avait son travail bien défini dont la seule condition de délai était de rester dans le « raisonnable ». Une fois le rythme et les mécanismes de travaux bien instaurés, je dois avouer qu'il y a un réel confort à se glisser dedans.
Enfin dernier chose, à mon sens indispensable, un seul traducteur à la fois par partie, On ne se met pas à traduire à plusieurs sous peine de voir arriver le conflit et/ou très rapidement de voir une personne imposer son point de vue.
Maintenant pourquoi traduire ? Certes pour en faire profiter les autres mais vous en profiterez également vous même puisque c'est une véritable redécouverte de l'œuvre que vous vivrez. Et ça c'est bien kiffant comme disent les jeunes car en traduisant vous serez obligé de vous retaper l'intégralité de la chose et en détail. Rien ne pourra vous échapper et vous devrez rechercher souvent ce que l'auteur a bien pu vouloir dire, quelle référence il a voulu utiliser, …
Bref, tout cela nous amène à une conclusion hyper prévisible mais faire des trucs autour de la PASSION qui donnent du RESULTAT, c'est bon pour ton karma !
Tournons la page.
/ !\ WARNING : Ca va spoiler chérie.
Pour OMK, je ne répéterais pas tout ce que j'ai dit dans mon article original sur les énormes qualités de ce manga qui est bien plus qu'au dessus de la pile de la production amateur. Une des première choses que je retiens et auquel en tant que correcteur j'étais attaché est la fluidité de l'ensemble. La mise en scéne/en page de ce manga n'est pas la moindre de ses qualités et il faut bien avouer qu'à plusieurs reprises j'ai ressenti un véritable frisson à redécouvrir ses scènes en français.
Dans le désordre et non exhaustif : la colère de Kitahara contre Kurosawa quand elle se rend compte qu'il a réussi à s'en sortir et qu'elle non, les délires de Kurosawa, Kitahara qui joue les Detective Conan, la scène de l'aveu public, la première apparition du couple Tagikawa/Nagaoka , le pardon de Takigawa, la rédemption de Kurosawa, le dialogue « au travers d'une porte » et le sauvetage de Kitahara et même le dernier chapitre que j'avais pourtant trouvé bien fade en anglais, il s'agissait VRAIMENT de ne pas se rater car ses scènes ne peuvent pas être loupés tant elles sont dans leur fond comme dans leur forme de qualité.
En revanche, avant de tourner la page, j'aimerais revenir sur 3 aspects d'OMK.
De l'onanisme
Une question que l'on peut se poser à la fin d'OMK est l'importance de l'onanisme. Cette dernière est réelle mais pas prédominante. L'activité quotidienne de Kurosawa ne sert qu'à mettre en avant toute la mégalomanie mais aussi la solitude réelle du personnage. Reste un titre, celui de « Onani Master Kurosawa ». Titre dont Kurosawa avoue qu'il n'est pas facile de se débarrasser. A tel point qu'il colle (hohoho) définitivement au manga et qu'il devient ainsi difficile de « vendre » OMK à un proche sans passer par la case « Alors c'est un manga sur la branlette… » . Ce qui n'est pas étonnant au final car Kurosawa est, malgré tout le crédit qu'on peut lui porter, très proche tout au long de l'histoire de son sexe (son « cœur en bas du corps ») qui reste une longue métaphore filée.
De la colère de Kitahara la persecutée.
Pourquoi Kitahara reste mon personnage préféré ? Principalement parce que cette fille représente un cas scénaristique assez magnifique. Si l'on cherchait une image pour dénoncer la persécution scolaire, Kitahara en est un exemple brillant bien qu'elle soit la complète opposé d'Ayumu l'héroïne de LIFE en comportement. Maltraitée sans raison valable, ses bourreaux vont la grignoter, la pervertir, l'isoler des autres pour au final quasiment la détruire. Victime de la perversité et de la lacheté adolescente, Kitahara était avant tout une fille timide et intelligente qui sombre. Ce qui l'amène en dépit de toutes ses capacités à prendre systématiquement le mauvais chemin. Elle déprime sans vouloir le montrer, choisit la vengeance basse avec des méthodes perverses, elle veut manipuler (même si au fond on sent que ce n'est pas son truc) et rendre coup pour coup à ses bourreaux tout en sachant pertinemment que cela la rend encore plus insignifiante qu'elle ne pense déjà l'être.
Finalement la seule raison de sa fameuse colère contre Kurosawa reste que ce dernier lui a enlevé sa dernière illusion. Avant lui et sa survie à la « persécution », Kithara pouvait mettre systématiquement en avant sa condition pour justifier son comportement, son malheur. Mais si Kurosawa réussit à y survivre alors cela prouve que nul destin n'est inéluctable. La découverte de cette vérité fait exploser à petit feu Kitahara qui n'a au final pas d'autre choix que pour ne pas y faire face qu'à s'exclure elle même de la société.
Paradoxalement ce sont ses erreurs qui vont « sauver » Kurosawa qui lui rendra la pareille. Si au début, il la venge par pur mépris pour ses bourreaux, Kurosawa se rend compte de la situation réelle de Kitahara lorsqu'il se rend compte lui même de son erreur envers Takigawa. Et c'est autant pour lui même que pour Kitahara qu'il choisira de dévoiler qu'il est responsable des incidents. Car Kurosawa a compris que Kitahara ne pourrait jamais s'en sortir tant qu'elle reste bloquée en position « victime ». C'est un cruel mais décisif réveil qu'il lui impose.
D'un sourire et d'une mèche de cheveux
L'histoire d'OMK se termine par le sauvetage de Kitahara. Or comment exprimer qu'elle a changée, qu'elle est sauvée ? Le simple fait de la voir sur un quai de gare en direction du lycée était déjà un symbole suffisamment explicite. Mais les 2 auteurs sont allés plus loin en offrant une magnifique dernière page. Le texte fait appel à la première description de Kitahara tel que Kurosawa l'a perçue au premier contact. Mais cette fois ci c'était « une voie de gare inhabituelle », la fille qui est là sourit en jouant avec une méche de cheveux.et pourtant c'est bien Kitahara. Pour cela, ce sourire et cette méche de cheveux veulent dire peu et beaucoup à la fois. Très bien vu.
Et c'est sur tout cela que je vais m'arrêter, non sans vous recommander avant de jeter un coup d'œil à ce strip trouvé sur Deviantart qui résume assez bien l'expérience de lecture. Longue vie à Onani Master Kurosawa.