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Retour d’Arles

Publié le 11 juillet 2010 par Marc Lenot

gassian-cohen.1278852739.JPGQuatre jours aux Rencontres Photographiques d’Arles, dont les expositions durent, pour la plupart, jusqu’au 19 septembre; quatre jours de visites dans la chaleur pour 24 lieux (j’ai tout vu, sauf les deux expos de Montmajour, trop loin et pratiquement réservées aux possesseurs de voitures), 60 expositions du festival, plus quelques autres off, et des centaines de photographes, des milliers de photographies. Trop, c’est trop ! L’impression qui ressort après ces visites est un trop-plein, une absence de choix, de sélection, un tout-venant accepté par paresse ou par copinage. Il y a sept ou huit expositions de qualité, voire de très grande qualité, dont je vais parler au cours des prochains jours; il y a à trois ou quatre endroits (plus le off) l’occasion de découvrir de jeunes photographes encore inconnus (encore qu’inclure Hans-Peter Feldmann, 69 ans et hyper-connu, pour le Prix Découverte est assez gonflé), et le plaisir devrait s’arrêter là. Le reste est de trop.

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Les prochains billets seront donc sur cette douzaine d’expositions qui m’ont paru justifier le festival, ce billet-ci va être consacré au superflu. Pas nécessairement au médiocre : mais qui a besoin d’une énième exposition de Fischli et Weiss ou d’un petit échantillon du travail de Peter Klasen ? Beaucoup de photographes ‘people’ (y compris dans une soirée au Théâtre antique, où, entre autres, le portraitiste des Sarkozy s’est fait siffler), des alignements de rock stars par Claude Gassian (en haut, un beau portrait de Leonard Cohen) et de stars jet-set par Jean Pigozzi (ci-dessus Cannes 1986), du Paris-Match à profusion et cinquante fois la (belle) gueule de Mick Jagger : ce n’est pas de la mauvaise photographie, mais qu’est-ce que ça fait là ?

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Qu’ensuite on inclue les partenaires, Picto (avec ce Nu à Telouet de Pierre Boucher, en 1936, montage à la Chirico inspiré par la kasbah du Glaoui), Télérama, VU’, l’Éducation Nationale (photos de classe), la Mission de la Photographie (autoportraits de donateurs) ou la Ville d’Arles (Tendances 2010), c’est de bonne guerre, mais ça n’a en général rien de passionnant; l’exposition Chambres Claires, transposée de l’excellent Musée Niepce à Chalon est néanmoins fort bien faite et, comme d’habitude intelligemment pédagogique. Également, une belle série d’affiches sur la vie en prison accompagne le parcours aux Ateliers, en liaison avec le rapport du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté.

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Restent ensuite une dizaine d’expositions monographiques pas totalement dépourvues d’intérêt mais que, personnellement, j’ai jugées être à la limite de ce que je souhaitais voir ici : le travail en couleur d’Ernst Haas, formel, presque précieux; le démontage des photos retouchées de la propagande chinoises par Zhang Dali, intéressant d’un point de vue ‘investigatif’, documentaire et historique, mais où j’ai du mal à reconnaître un travail créatif; les chambres noires de Michel Campeau, artisanales au Niger, high-tech à Montréal, théâtrales à Berlin (ci-contre), comme des temples secrets de la photographie; les mystérieuses photos sibériennes de Klavdij Suban; le photoreportage sur les Iraniens de Paolo Woods (‘Marche sur mes yeux’, beau titre); et encore l’Arlésien François Halard, Patrick Bouchain, François Deladerrière, les vidéos de Fowler et Hutton : on passe vite, espérant mieux.

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Outre les Ferrari (père et fils) dont je reparlerai, cinq Argentins sont exposés à l’Atelier des Forges : parmi eux seul ressort le travail original de Gabriel Valansi, ses MAD (Mutual Assured Destruction; ci-contre MAD 0800055), photos de mémoires d’évènements violents, de l’instant juste avant la catastrophe, des interstices avant la destruction, de l’impression sur la rétine avant l’explosion. Face à ces photographies superposées jusqu’à former un motif voilé, on pense à Walid Raad, à Hadjithomas et Joreige, mais surtout à Renaud Auguste-Dormeuil, qui lui aussi traduit de manière très formelle la dernière seconde où on est encore en vie.

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Enfin, pour conclure mes insatisfactions, la lauréate du Photofolio Gallery 2009, Lea Golda Holterman, expose des portraits d’adolescents ultra-orthodoxes, à demi dénudés, chlorotiques, dépourvus de la moindre sensualité (Orthodox Eros); elle dit, dans ses interviews, vouloir réhabiliter l’image de la communauté hiérosolymite ultra-orthodoxe où elle a elle-même été élevée. J’ai du mal à voir l’érotisme qu’elle promet dans ces portraits tragiques de jeunes hommes frustrés recrutés par petites annonces, et j’ai du mal à voir en quoi cette exposition téléologique (mais elle dit éviter de montrer ces photos en Israël !) va changer l’image de sa communauté. C’est l’exposition la plus irritante de tout le festival.

Demain, du positif, tout ce que j’ai aimé (tout ce qui n’est pas cité plus haut, en fait), ce à quoi, à mes yeux, le festival aurait pu se réduire.

Photo de l’auteur (avec reflets…) excepté Lea Golda Holterman. 


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