Il est des films à propos desquels les débats passionnés sont recherchés et désirés, ces conversations à bâtons rompus qui animent si souvent les échanges entre amateurs de films. Des films qui abasourdissent, des films qui choquent, des films qui émeuvent, des films qui agacent. Des films qui ne laissent pas indifférents. Im sang Soo a déjà signé de tels films, que ce soit son évocation claustrophobe de l’assassinat du Président Park Chung-Hee dans The President’s Last Bang ou son adaptation du célèbre roman Le Vieux Jardin.
En s’attelant à un remake d’un classique du cinéma coréen vieux de 50 ans, on pouvait légitimement attendre de lui un film remuant avec force les avis cinéphiles. Présenté en compétition au dernier Festival de Cannes, The Housemaid n’a pourtant pas déchaîné les passions, qu’elles soient positives ou négatives, de la part des festivaliers, critiques ou professionnels. Le gastronome en cinéma coréen que je suis ne pouvait pas pour autant rater l’occasion de voir le film d’Im Sang Soo plus de deux mois avant sa sortie en salles à la rentrée prochaine.
Paris Cinéma a fait fort cette année en programmant dans les avant-premières la plupart des films primés sur la croisette en mai, de la Palme d’Apichatpong Weerasethakul au Grand Prix de Xavier Beauvois en passant par le Prix du Scénario de Lee Chang Dong. The Housemaid a beau n’avoir pas été récompensé, la manifestation parisienne a tout de même programmé le film au MK2 Bibliothèque. Projection à laquelle j’ai assisté en compagnie de la plupart des amateurs de cinéma coréen de la place parisienne, et d’une flopée de coréens résidents dans la capitale française.
Sans grande attente, on ne peut pas parler de déception. Peut-être Im Sang Soo aurait-il signé une œuvre plus intéressante sur le sujet de l’asservissement et des relations maître / esclave au sein de la société contemporaine s’il ne s’était pas attaché à un remake, mais plutôt à une vraie création. Son Housemaid se trouve tel quel un peu bancal. Rappel pour ceux qui ne connaitraient pas le sujet, il s’agit d’une jeune femme rentrant au service d’une riche famille comme gouvernante et nounou. La famille en question est un jeune couple (riche bien sûr) déjà parents d’une petite fille ravissante et attendant des jumeaux pour très bientôt. Rapidement, notre servante va entamer une liaison avec le maître de maison.
En sortant de la salle, je me sentais mitigé à propos de The Housemaid, et plus de 24 heures plus tard, cela n’a pas changé. Il y a toujours de belles choses dans le film d’Im Sang Soo, une mise en scène glacée notamment, mais le scénario manque de tenue, à chaque fois que l’on croit qu’Im tient quelque chose, il n’exploite pas et tente autre chose, ailleurs avec ses personnages. Le sujet est fort, mais il s’oriente dans l’attendu, un attendu qui le pousse parfois au n’importe quoi (le dénouement en est la parfaite illustration).
C’est dommage, car la scène d’ouverture – qui scénaristiquement n’a pas grande utilité mais ça ce n’est pas grave – était une mise en bouche particulièrement alléchante, sorte de prise de pouls de la ville coréenne la nuit, laissant augurer de quelque chose qui ne viendra jamais. Il y a aussi ce personnage de la gouvernante en chef de la maison, cette ajuma sexagénaire qui guide l’héroïne dans la maison de ses nouveaux maîtres. C’est le personnage le plus réussi du film, le mieux écrit, dont l’ambiguïté a un vrai sens, dont les atermoiements sont tout à fait palpables, et qui offre à son interprète Yoon Yeo-Jeong l’occasion de faire montre d’un grand talent (la comédienne était également à l’affiche à Cannes cette année de l’hilarant Ha Ha Ha de Hong Sang-Soo).
Certains se satisferont peut-être de découvrir la jolie Jeon Do-Yeon (Prix d’interprétation à Cannes il y a trois ans pour Secret Sunshine) dans un rôle fort peu habillé, et si je ne fait pas la fine bouche moi-même, j’aurais tout de même préféré sortir de la salle convaincu par le film.