J’aime Arroyo, Eduardo Arroyo, ce peintre qui s’exile en France en 1958 et qui va être le pivot nécessaire de cette « figuration narrative » encore injustement reconnue. C’est à la mort de Franco que Arroyo va refaire le chemin inverse pour au final revivre une sorte d’exil au point de s’imaginer étranger dans son propre pays. Après quelques bouquins dont le « Panama Al Brown » inspiré par l’autre passion d’Arroyo, la boxe, le peintre espagnol nous propose aujourd’hui, « Minutes d’un testament », un ouvrage qui trace dans la mémoire de son auteur des souvenirs compliqués qui à force de chambouler la chronologie finissent par perdre le lecteur. « Le présent testament » écrit Arroyo avec amusement « annule les précédents, qui ont été nombreux étant donné mon goût précoce pour la rédaction de ce genre de documents ». Pour Arroyo, tout commence à Madrid et plus précisément au 19 de la rue Argensola pour ce fils de pharmacien, croyant, pratiquant et phalangiste. Tout se poursuit à Paris à la fin des années cinquante pour se concrétiser en une peinture illuminée par la politique et l’Espagne, vers les mineurs des Asturies, un pays réprimé mais combattant. Le parcours d’Edouardo Arroyo est aussi celui d’un intellectuel en peinture qui lorgne un temps très lourdement vers la Havane, qui est au cœur du fracas de Mai 68 et scrute l’agonie du Caudillo.
Arroyo aurait probablement souhaité être un écrivain. Son œuvre magnifique nous confirme qu’il a pourtant emprunté le bon chemin et la lecture de ce labyrinthique testament que Grasset vient de faire traduire ne fait que nous confirmer que la véritable mémoire d’une époque est dans la peinture d’un artiste dont il serait temps que l’on admette qu’il est majeur. Contestataire, politisé, ouvert sur la vie, Arroyo est donc un…