Avec le awa-bancha 阿波番茶, nous restons à Shikoku, mais cette fois-ci dans le département de Tokushima 徳島.
Les feuilles qui servirons à confectionner ce thé sont récoltées en plein été, entre mi-juillet et la fin-juillet. A cette période de l'année, le soleil tape fort, l'humidité est étouffante. Or, la cueillette de ces feuilles est un travail plutôt physique. Ici, on ne se contente pas comme pour les fins sencha des jeunes poussent qui pointent au dessus des arbustes, non, on arrache toutes les feuilles, même les plus grosses, résistante, attachées aux grosses branches du bas du théier. Ainsi, il n'est semble-t-il pas rare, à l'occasion de cette cueillette d'installer des bâches au dessus des arbres, qui feront office de parasol durant cet arasant labeur.
Ensuite, pour en stopper l'oxydation, les feuilles sont bouillies pendant 30 ou 40 min. Elles sont essorés, puis entassées dans une bassine. On place au dessus une bâche en plastique (autrefois des feuilles de musa), de la paille, et enfin un couvercle sur lequel on fait peser de lourdes pierres. En dernier lieu, on verse le "jus" obtenu lors de la "cuisson" des feuilles. Et on laisse le tout en l'état pour 7 à 10 jours. Pourquoi ? Le lecteur avisé l'aura compris, il s'agit cette fois encore de faire fermenter ces feuilles de thé. Le awa-bancha est un nouvel exemple de thé post-fermenté. La différence qu'il convient de noter avec le goishi-cha, c'est le mode de fermentation. Ici, avec le awa-bancha, il n'y a qu'une seule phase de fermentation, en milieu fermé, par l'action de bactéries. Dans le cas du goishi-cha, s'il y a une fermentation en milieu fermé par bactéries, il y a aussi une phase de fermentation en milieu ouvert, sous l'action de moisissures.
Après fermentation, les feuilles sont placées sur des nattes et séchées au soleil.
Voilà le résultat:
Infuser, le goishi-cha propose quelques fragrances intéressante qui rappellent parfois le porto, mais le awa-bancha persiste dans la salle de chimie...... Le goût en lui-même de la liqueur jaune-brune, avec la même acidité que chez le goishi-cha, n'est pas complètement désagréable, mais mais la puanteur qui s'en dégage n'est décidément pas pour moi !
L'auteur du passionnant "Les Bancha et les Japonais", Nakamura Yôichirô (voir ici), compare cette odeur à celle du "myan" (?) ou "lahpet", plat à base de thé fermenté consommé au Myanmar et en Thaïlande.
Des milliers de kilomètres sépare le "myan" du awa-bancha, mais malgré des modes de consommations différents, leur mode de fabrication est en fait très proche. Bu ou mangé, le thé s'est diffusé en Asie au travers ce type de produit probablement bien avant les luxueux thés des religieux et aristocrates.
Précisons enfin que les producteurs vendent en général toute leur récoltes à des consommateur de la régions qui se fournissent ainsi pour l'année. D'une manière certes très locale, le awa-bancha reste encore consommé.