N’en déplaise à nos Cassandre du parti majoritaire, ce n’est pas que la presse française qui est atteinte de fascisme. La presse étrangère semble elle aussi succomber.
Le climat a franchement commencé à devenir pesant après les déclarations de plusieurs ténors de l’UMP, qualifiant de fascistes les méthodes du site d’Edwy Plenel, Mediapart, et de toute source d’information relayant les révélations du site en ligne.
Afin de retrouver une quelconque objectivité, un tour de la presse étrangère s’impose. Hors, surprise, elle se fait elle aussi l’écho des révélations du site Mediapart. Alors, la presse étrangère serait-elle entièrement tombée aux mains des mêmes fascistes qui ne font qu’embêter Nicolas Sarkozy ? Revue de détail.
Nos amis anglais tout d’abord, pourtant peu enclins à des dérives extrémistes. D’après le Guardian, « Des enregistrements secrets réalisés par le maître d’hôtel ont remis en question non seulement la légalité des montages financiers de Mme Bettencourt, mais aussi la neutralité politique d’un ministre haut-placé du gouvernement ainsi que la légalité du financement de la campagne présidentielle de Mr Sarkozy ».
Même son de cloche chez son confrère The Independent, pour lequel : « L’affaire Bettencourt menace la carrière du ministre du travail de Nicolas Sarkozy, et ancien ministre du budget, Eric Woerth. Ce dernier est accusé d’avoir couvert l’évasion fiscale de Mme Bettencourt en échange du financement de campagnes, qu’il gérait en tant que trésorier du parti de Mr Sarkozy. »
Mais il est vrai que de l’autre côté de la Manche, « conflit d’intérêt » a une réelle signification.
Quant au New-York Times, monument du journalisme d’investigation américain, il relaie aussi largement l’affaire, soulignant les multiples conflits d’intérêt au cœur de l’affaire : « Cette affaire soulève plusieurs types de conflits d’intérêt. De mai 2007 à mars de cette année, Mr Woerth n’était pas seulement trésorier de l’UMP, mais aussi ministre du budget, en charge de collecter les impôts des mêmes riches personnes dont il sollicitait les dons. Quand ce dernier a lancé une campagne hautement médiatisée de lutte contre l’évasion fiscale l’année dernière, sa femme gérait la fortune de Mme Bettencourt, ce qui là encore pose la question de savoir si Mr Woerth avait connaissance de tentatives d’évasion fiscale. »
Dans un autre article, le quotidien new-yorkais rend compte du travail d’investigation du site Mediapart (on notera que ce que d’aucuns appellent « fascsime », est désigné par les journalistes du NYTimes sous le terme plus noble de « journalisme d’investigation », mais il est vrai que les américains sont plus habitués que nous à des media libres), soulignant les difficultés de la presse « traditionnelle » de remplir cette tâche, soit par manque de moyens, soit par leur trop grande proximité du pouvoir (Le Figaro, Les Echos, propriétés respectives de Dassault et Arnault, proches de Nicolas Sarkozy).
Son cousin de Washington, le célèbre Washington Post – à l’origine du Watergate – ne minimise pas les accusations et les relaie aussi : « L’affaire Bettencourt devient politique après la révélation que Florence Woerth, femme du ministre du travail Eric Woerth, travaillait pour la société qui gérait les affaires de Mme Bettencourt. Woerth, qui était en même temps ministre du budget et trésorier de l’UMP, nie tout conflit d’intérêt, mais annonce (…) que sa femme a démissionné (de son poste de gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt). Florence Woerth a déclaré à un journal qu’elle avait sous-estimé le possible conflit d’intérêt. »
Enfin, le tableau ne serait pas complet sans évoquer la livraison de l’hebdomadaire « The Economist », référence internationale des hommes d’affaires, décideurs et politiques. Le journal résume ainsi la situation : « Mr Woerth, qui a reçu des donations politiques de Liliane Bettencourt, insiste qu’il n’a rien à se reprocher, et que ni lui ni sa femme ne savait rien (des mécanismes d’évasion fiscale de Mme Bettencourt). Toutefois, même en admettant qu’il n’ait rien fait, la perception de conflit d’intérêt est écrasante. Mr Sarkozy veut conserver Mr Woerth à son poste, au moins jusqu’à ce que la réforme des retraites soit votée cet automne. Si la pression politique sur lui ne faiblit pas à l’approche des vacances d’été, il ne pourra peut-être pas attendre aussi longtemps. ».
Des extraits supplémentaires de la presse internationale sont disponibles sur les sites slate.fr, ainsi que dans Courrier International (dossier payant), qui sous le titre « La France Plumée » propose une vaste synthèse des réactions à l’international (La Repubblica : « la scène politique française prend des airs devaudeville », pour Corriere della Sera, « L’hyperprésident des débuts a laissé place à un pouvoir désinvolte », et pour le Neue Zürcher Zeitung : « (Le sarkozysme est devenu) un pouvoir qui oublie la morale, la loyauté envers le peuple et même le simple bon sens. »
Bizarrement, au grand dépit des Bertrand, Morano, Lefebvre, et autres Estrosi, point de mention dans tous ces articles de quelconques « méthodes fascistes » ou d’un supposé « retour à la presse des années 30 » mais plutôt des relations fidèles de faits troublants et des interrogations justifiées sur les relations au plus haut niveau entre le pouvoir et l’argent.
La « République Irréprochable ? » serait-elle vouée au même destin que le « Travailler Plus pour Gagner Plus ? »