La force de la preuve

Mon indignation est telle que je ne sais par où commencer. François Mitterrand s’en était pris aux chiens qui avaient hurlé contre Pierre Beregovoy. Ce vocable me paraît trop bénin pour qualifier les aboyeurs patentés qui se déchaînent contre la presse. Chacals leur sied assurément mieux. A ce propos, je vous recommande le billet de François Bilger, intitulé « Où est la honte », que vous trouverez ici.

Selon ces fervents de l’unité nationale, les journaux seraient prêts à tout pour quoi ? Pour vendre du papier. Et en quoi cet objectif serait-il immoral ? L’objectif d’Airbus est de vendre des avions, et même notre Président bien-aimé prête dans le même but à Dassault son concours maladroit et jusqu’ici inefficace. J‘ai même ouï dire que l’Oréal s’efforçait de vendre le plus de cosmétiques possible. Pour une entreprise commerciale, il n’est pas de commerce déshonorant, sauf peut-être ceux des charmes ou des armes.

Il y a quelques jours, une dame, entendue précédemment par des enquêteurs suite à une plainte de Fabrice de Maistre, a confié à des journalistes de Mediapart un certain nombre de secrets, sans être en mesure de pouvoir toujours les étayer par des preuves. Ce media n’a à aucun moment dissimulé ce fait et a aussi préservé l’anonymat de cette dame, que d’autres se sont empressés de ne pas respecter. A côté d’autres déclarations, que les enquêtes menées depuis semblent confirmer, elle avait indiqué que « Nicolas Sarkozy recevait aussi son enveloppe », tout en précisant qu’elle n’avait pas assisté à ces remises mais qu’elle n’était « pas stupide quand même, inutile de me faire un dessin pour comprendre ce qu’il se passait ».

Or voici que cette dame « s’est rétractée ». Tous les laquais de Sarkozy et leur seigneur et maître en personne d’entonner la chanson : voilà, c’est fini, le calomniateur est démasqué, circulez, y’a rien à voir. Je reviendrai prochainement sur cette proclamation mensongère.

Résumons la situation : il y avait un témoin, il s’est rétracté et notre Président est innocent comme l’agneau qui vient de naître. Reportons-nous maintenant au procès de Villiers-le-Bel, dont je parlais il y a peu. On avait lancé un appel à témoins, en promettant une récompense financière. Deux d’entre eux ont fait pis que se rétracter, ils ne se sont pas présentés. Un troisième n’a accepté de témoigner que sous X, assurant reconnaître un homme qu’il n’avait aperçu que de nuit. Selon la justice sarkozienne, la conclusion s’impose : voilà, c’est fini, on n’a pas de preuve de la culpabilité du prévenu. Eh bien, non, vous ignorez tout de l’équité dans notre bel Etat de droit. Une telle preuve a valu au prévenu douze ans d’emprisonnement.