J’aime beaucoup les poèmes d’Aragon. Curieuse de mieux connaître les dernières années de sa vie, celles sans Elsa, sa muse et sa femme, j’ai lu avec plaisir Le dernier Aragon de Patrice Lestrohan, paru récemment, en avril 2010, un ouvrage justement consacré aux douze dernières années de la vie du poète-romancier.(1897-1982)
Jusqu’ici Aragon symbolisait pour moi la résistance, le communisme, son amour et ses poèmes pour Elsa, en schématisant beaucoup. Ils ont formé un couple très soudé en apparence pendant 42 ans et il a eu le cœur brisé lorsque sa compagne est morte subitement en juin 1970 dans leur parc de Saint-Arnoult où ils sont enterrés désormais.
Lorsque après des mois de réclusion chez lui, il se met de nouveau à sortir, il fait sensation tellement il apparaît différent. Il a d’abord changé sa façon de s’habiller. Désormais, il va chez les grands couturiers, ceux à la mode. Ensuite il s’entoure d’un groupe de jeunes gens qu’il va beaucoup aider et qui le font sortir dans les bars branchés, parfois toute la nuit. Parmi eux , on retrouve François-Marie Banier, qui travaillait alors pour Cardin et dont il est tant question ces jours-ci avec l’affaire Bettencourt, Beigbeder, Renaud Camus et tant d’autres encore s’empressent de l’amuser et de le divertir C’est un des mystères de plus de sa vie. Comment a-t-il pu si longtemps cacher cette tendance en lui pour ce qu’il nomme lui-même « une autre façon d’aimer » ?
Pourquoi aussi a-t-il jusqu’au bout défendu l’indéfendable, tous ces pays muselés, au nom de sa fidélité au parti de toujours ?
Le livre répond en partie à ces questions mais il met surtout l’accent sur le déconcertant changement dans la vie d’un homme qui a perdu toutes ses illusions et qui recherche ses autres vérités, en laissant tomber tous les masques.
Il y a des gens qui sont toujours sûrs d’eux-mêmes.
J’ai pu passer pour l’un d’eux. Pas à mes propres yeux. Aragon
Un de ses amis a pu écrire à ce moment de sa vie : C’est l’époque où il est devenu humain
ni homo, ni coco
J’ai bien aimé cette biographique, très bien documentée par un journaliste du « NouvelObs », de « Quotidien de Paris »,de « L’événement du jeudi » et du « Canard enchaîné » qui a également publié une biographie d’Edgar Faure.
Ce que dit aussi Aragon :
« La vie et le bal ont passé trop vite
La nuit n’a jamais la longueur qu’on veut »
« Mais j’ai beau vouloir en avoir fini
Guetter dans ce corps l’alarme et l’alerte
L’absence et la nuit l’abîme et la perte
J’en porte dans moi le profond déni. »
Le dernier Aragon par Patrice Lestrohan(Riveneuve éditions, 2010, 194p)Maison d'Elsa Triolet-Aragon à St Arnoult en Yvelines