Je reprends, puisque j'ai un peu de temps, ma lecture de CVC.
Pour cela, nous entamons le livre 6 sur "la défensive" : on sait que ce système est prôné par Clausewitz qui y voit un plus grand avantage que l'offensive, ce qu'il a déjà évoqué précédemment. Il précise ici sa pensée.
Le chapitre 1 s'intitule "l'attaque et la défense". Et il est articulé en deux grands paragraphes : "le concept de défense" (p. 261) et "les avantages de la défense" (p. 262).
1/ "Qu'est-ce que le concept de défense ? parer un choc. Quelle en est la caractéristique? L'attente de ce choc. A la guerre, c'est tout ce qui distingue la défense de l'attaque"".(p. 261) Le lecteur français est forcément un peu surpris par ces remarques lapidaires. La défensive es-elle forcément attente ? cela entraîne une attitude statique, une inaction. Or, peut-on rester inactif à la guerre ? surtout quand on connaît le précepte fameux : "la meilleure défense, c'est l'attaque" ? (cette dernière citation est attribuée à Napoléon, mais je n'ai pu vérifier son authenticité).
2/ "Une défense absolue est complètement contraire à la nature de la guerre (...) la défense ne peut être que relative". Il faut en effet être deux pour faire la guerre... et plus loin : "l'action offensive, menée dans le cadre d'une guerre défensive recevra l'appellation de 'défensive'" : mais on voit en ce cas la distinction entre une tendance stratégique et des actions tactiques qui peuvent être apparemment contraires mais qui contribuent tout de même au but général.
3/ Vient le deuxième paragraphe, sur les avantages de cette défensive. "Que vise la défense ? Préserver. Préserver est plus facile qu'avancer. A égalité de moyens, donc il sera plus facile de défendre qu'attaquer. C'est que tous les temps inemployés par l'attaquant favorisent le défenseur" (p. 262). On peut tout d'abord s'interroger sur la plus grande facilité de la préservation : l'inaction a des défauts que n'a pas le mouvement, qui par définition est en perpétuelle évolution, et donc en constante adaptation. Au-delà, la vraie supériorité de la défensive vient de l'égalité de forces : il y a là une sorte de contradiction avec l'éloge du Rapfor énoncé par ailleurs par CVC. Car cela revient à dire que si l'on a réussi à trouver un rapport de forces favorable, donc inégal, on a intérêt à l'offensive. La règle de la défensive paraît donc valable quand on est en infériorité numérique ou, au mieux, à l'égalité. La défensive permet alors d'améliorer la "position" ce qui permet de rétablir le différentiel de forces : voici retrouvée la vieille règle des fortifications, mais aussi des sièges (poliorcétique?). On notera enfin le dernier facteur évoqué directement, lui, par Clausewitz, celui du temps (qui vient compléter ceux du volume de force et de l'espace). Le défenseur bénéficierait du facteur temps : ce qui est vrai dans une certaine mesure, si on pense, là encore, à la guerre de siège ou le temps peut favoriser aussi bien le défenseur que l'attaquant...
4/ Ce que confirme les lignes suivantes : "Dès lors, nous pouvons employer tous moyens offensifs sans pour autant nous passer des deux atouts de la défensive, à savoir l'attente et l'avantage positionnel". Et plus loin : "la défense a un objectif négatif, celui de la préservation, celui de l'attaque, la conquête, étant positif" (p. 262). Ou encore : "un rapport de force favorable étant habituellement créé grâce à elle (la défensive), la séquence naturelle à la guerre est de commencer par la défensive et de finir par l'offensive. (...) une guerre où les victoires ne serviraient qu'à défendre jamais à contre-attaquer, ne serait pas moins absurde qu'une bataille où tous les mouvements seraient régis par la défensive la passivité, la plus rigoureuse". On le voit, Clausewitz donne la primauté à la défensive, mais cette primauté n'est que passagère, elle n'est pas absolue, contrairement à ce que l'on croit souvent. La défensive n'est qu'un moyen pour commencer la guerre et obtenir, justement, ce rapport de force favorable qui demeure la clef de la victoire.
5/ CVC termine son chapitre par une remarque qui annonce les chapitres suivants : "revenons encore à notre assertion selon laquelle la défensive est une forme de guerre plus puissante que l'offensive. Cette conclusion s'imposera d'un étude plus serrée de l'offensive et de la défensive, et de leur comparaison" (p. 264)
O. Kempf