Comme cela est demandé par l’opposition depuis maintenant plusieurs semaines, il faut dans l’affaire Bettencourt à la fois une commission d’enquête parlementaire et une instruction judiciaire parfaitement indépendante.
Le procureur qui est chargé d’une enquête préliminaire dans cette affaire n’est autre que Philippe Courroye. Ce dernier a été nommé à son poste en 2007 contre l’avis du Conseil supérieur de la Magistrature et est un ami du chef de l’État, pourtant cité dans ce dossier. Mardi dernier, il a ouvert une enquête préliminaire à l’encontre de son principal témoin, Claire Thibout, ancienne comptable de Liliane Bettencourt qui a mis en cause le Parti Républicain, l’UMP, Éric Wœrth et Nicolas Sarkozy. Le nom de Philippe Courroye est lui-même mentionné à plusieurs reprises dans les enregistrements réalisés par le majordome de Liliane Bettencourt et à l’origine de l’affaire. L’Union syndicale des magistrats lui a demandé publiquement mercredi de se dessaisir au profit d’un juge d’instruction indépendant. Hier, l’Association française des magistrats instructeurs a pris la même position, en estimant qu’il n’était pas possible à Phlippe Courroye de conduire une enquête impartiale. Par ailleurs, le rapport demandé par François Baroin a été confié non pas au service de l’inspection générale des Finances mais à son directeur, ce qui ne s’est jamais fait et entache déjà l’objectivité de ses conclusions. Le rapport sera rendu lundi. Face aux révélations chaque jour plus accablantes, les responsables de l’UMP tiennent des propos honteux et scandaleux à l’égard de Mediapart, média Internet indépendant qui a révélé l’existence des enregistrements. Pour Philippe Bilger, magistrat dont les sympathies politiques sont connues pour être plutôt à droite mais toujours soucieuses de l’intérêt républicain : « L’État, l’État de droit sont mis à mal par ces joutes et ces accusations (…) Cet abus de langage [des responsables de l'UMP] comparant Mediapart à une officine de caractère ‘fasciste’ est d’autant plus inconcevable que toutes les expériences étrangères, sous l’égide de la royauté ou de la République, s’accordent pour signifier qu’avec le millième de ce qui est soupçonné chez nous, des décisions drastiques auraient été prises et des démissions immédiates opérées. On ne peut pas tout vouloir en même temps : demeurer en place et faire taire.»